Marseille 1871 : une autre Commune
Marseille 1871 : une autre Commune
Le Monde illustré, 8 juillet 1871.
Carte postale ancienne

Émile Bouchet (1840-1915)

À Messieurs les membres du conseil de discipline des avocats de Marseille (1871)

L’avocat Émile Bouchet, ancien substitut du procureur de la République et participant aux débuts de la Commune de Marseille en mars 1871, écrit la même année au Conseil de discipline des avocats de Marseille pour demander sa réintégration au barreau de la ville. Dans sa lettre, reproduite ici d’après l’exemplaire conservé à la bibliothèque de l’Alcazar à Marseille [1], il se défend du rôle de meneur qui a pu lui être attribué dans les récents événements de Marseille, insistant au contraire sur celui de conciliateur et de modérateur qu’il a tenu dans ce « mouvement mal défini » dont il s’est désolidarisé avant son terme.

Au-delà de l’objet de sa demande de réintégration au barreau de Marseille, qui sera d’ailleurs rejetée, sa lettre est un document important à verser à l’histoire de la Commune de Marseille. C’est en effet un des trois témoignages parvenus jusqu’à nous, avec ceux de Charles Cartoux [2] et de Bernard Landeck [3], écrit par un de ses acteurs, et non des moindres.

Émile Bouchet, Brutus Paul Émile Bouchet à l’état-civil, était né à Embrun en 1840 ; installé à Marseille dans les années 1860 il y devint rapidement une figure notoire de la démocratie et de la franc-maçonnerie locales. Nommé substitut du procureur de la République le 8 septembre 1870, au lendemain de la proclamation de la République. Six mois plus tard, indigné par les « tendresses » de Thiers pour d’anciens serviteurs de l’Empire, il adressait sa démission au ministère de la Justice le 22 mars 1871. Le lendemain, il était délégué par le Club républicain de la garde nationale pour faire partie de la Commission provisoire des Bouches-du-Rhône de douze membres installée sous la présidence de Gaston Crémieux dans la Préfecture occupée. C’est cette commission départementale qui sera la forme particulière de la Commune de Marseille qui durera du 23 mars au 4 avril 1871.

La lettre de Bouchet à ses anciens collègues avocats ne s’inscrit pas dans une procédure judiciaire ; seule sa réintégration au barreau local est en jeu, un objectif professionnel certes important mais moindre au regard de ce que Bouchet risquera lorsqu’il sera déféré en justice en juin 1871 pour sa participation à la Commune de Marseille.

Dans cette lettre, Bouchet relate d’abord pourquoi il a démissionné de ses fonctions de substitut le 23 mars au matin, avant d’en venir aux faits auxquels il assista, ou qu’il initia, du 23 au 27 mars au sein de la commission départementale. Il termine cette lettre en citant des documents datés du 30 mars 1871 contenant des protestations exprimées publiquement contre l’usage indu de son nom sur des proclamations de cette commission dont il était déjà retiré. Tous les faits relatés dans sa lettre sont antérieurs à l’écrasement de la Commune de Marseille le 4 avril 1871 et aux centaines d’arrestations qui suivirent cette journée de combat à laquelle il ne participa pas.

Bouchet lui-même ne fut pas arrêté ; il se présenta spontanément aux autorités militaires avant d’être déféré le 12 juin 1871 avec seize autres prévenus devant le conseil de guerre siégeant à Marseille, pour le plus important procès collectif conduit contre des protagonistes de la Commune marseillaise. Au terme de ce procès, Bouchet fut un des six prévenus acquittés. Pour le Conseil de l’ordre des avocats de Marseille cet acquittement ne fut pas un argument suffisant pour l’accepter à nouveau parmi eux ; le 26 avril 1872, il rejetait sa demande de réintégration au barreau local.

Entre temps, Bouchet avait été élu au Conseil général des Bouches-du-Rhône en octobre 1871, puis député du même département en février 1872, mandat auquel il sera réélu en 1876 et 1881. Au cours de ses deux premiers mandats, il soutient régulièrement les propositions et les lois d’amnistie des communards. En 1884, un procès financier qui le conduit en prison met fin à son troisième mandat. Libéré, il s’installe en 1885 au Tonkin où il participe à l’expansion coloniale française.

La notice biographique d’Émile Bouchet, présentée ici en deux parties, de 1840 à 1871 et de 1872 à 1885, avant et après sa lettre de demande de réintégration au barreau de Marseille, laisse de côté le parcours, mal connu, qui fut le sien au Tonkin de 1885 jusqu’à son retour en France où il mourut au Vésinet en 1915.

Michèle Bitton

Marseille, février 2025

Intro

L’avocat Émile Bouchet, ancien substitut du procureur de la République et participant aux débuts de la Commune de Marseille en mars 1871, écrit la même année au Conseil de discipline des avocats de Marseille pour demander sa réintégration au barreau de la ville. Dans sa lettre, reproduite ici d’après l’exemplaire conservé à la bibliothèque de l’Alcazar à Marseille [4], il se défend du rôle de meneur qui a pu lui être attribué dans les récents événements de Marseille, insistant au contraire sur celui de conciliateur et de modérateur qu’il a tenu dans ce « mouvement mal défini » dont il s’est désolidarisé avant son terme.

Au-delà de l’objet de sa demande de réintégration au barreau de Marseille, qui sera d’ailleurs rejetée, sa lettre est un document important à verser à l’histoire de la Commune de Marseille. C’est en effet un des trois témoignages parvenus jusqu’à nous, avec ceux de Charles Cartoux [5] et de Bernard Landeck [6], écrit par un de ses acteurs, et non des moindres.

Émile Bouchet, Brutus Paul Émile Bouchet à l’état-civil, était né à Embrun en 1840 ; installé à Marseille dans les années 1860 il y devint rapidement une figure notoire de la démocratie et de la franc-maçonnerie locales. Nommé substitut du procureur de la République le 8 septembre 1870, au lendemain de la proclamation de la République. Six mois plus tard, indigné par les « tendresses » de Thiers pour d’anciens serviteurs de l’Empire, il adressait sa démission au ministère de la Justice le 22 mars 1871. Le lendemain, il était délégué par le Club républicain de la garde nationale pour faire partie de la Commission provisoire des Bouches-du-Rhône de douze membres installée sous la présidence de Gaston Crémieux dans la Préfecture occupée. C’est cette commission départementale qui sera la forme particulière de la Commune de Marseille qui durera du 23 mars au 4 avril 1871.

La lettre de Bouchet à ses anciens collègues avocats ne s’inscrit pas dans une procédure judiciaire ; seule sa réintégration au barreau local est en jeu, un objectif professionnel certes important mais moindre au regard de ce que Bouchet risquera lorsqu’il sera déféré en justice en juin 1871 pour sa participation à la Commune de Marseille.

Dans cette lettre, Bouchet relate d’abord pourquoi il a démissionné de ses fonctions de substitut le 23 mars au matin, avant d’en venir aux faits auxquels il assista, ou qu’il initia, du 23 au 27 mars au sein de la commission départementale. Il termine cette lettre en citant des documents datés du 30 mars 1871 contenant des protestations exprimées publiquement contre l’usage indu de son nom sur des proclamations de cette commission dont il était déjà retiré. Tous les faits relatés dans sa lettre sont antérieurs à l’écrasement de la Commune de Marseille le 4 avril 1871 et aux centaines d’arrestations qui suivirent cette journée de combat à laquelle il ne participa pas.

Bouchet lui-même ne fut pas arrêté ; il se présenta spontanément aux autorités militaires avant d’être déféré le 12 juin 1871 avec seize autres prévenus devant le conseil de guerre siégeant à Marseille, pour le plus important procès collectif conduit contre des protagonistes de la Commune marseillaise. Au terme de ce procès, Bouchet fut un des six prévenus acquittés. Pour le Conseil de l’ordre des avocats de Marseille cet acquittement ne fut pas un argument suffisant pour l’accepter à nouveau parmi eux ; le 26 avril 1872, il rejetait sa demande de réintégration au barreau local.

Entre temps, Bouchet avait été élu au Conseil général des Bouches-du-Rhône en octobre 1871, puis député du même département en février 1872, mandat auquel il sera réélu en 1876 et 1881. Au cours de ses deux premiers mandats, il soutient régulièrement les propositions et les lois d’amnistie des communards. En 1884, un procès financier qui le conduit en prison met fin à son troisième mandat. Libéré, il s’installe en 1885 au Tonkin où il participe à l’expansion coloniale française.

La notice biographique d’Émile Bouchet, présentée ici en deux parties, de 1840 à 1871 et de 1872 à 1885, avant et après sa lettre de demande de réintégration au barreau de Marseille, laisse de côté le parcours, mal connu, qui fut le sien au Tonkin de 1885 jusqu’à son retour en France où il mourut au Vésinet en 1915.

Michèle Bitton

Marseille, février 2025

D’Embrun à la Commune de Marseille de 1871

Plus connu sous son seul prénom d’Émile, Brutus Paul Émile Bouchet est né le 28 décembre 1840 à Embrun (Hautes-Alpes), fils de Jean Louis Bouchet, avocat, et de Françoise Laurens, son épouse, sans profession [7].

Poursuivant la voie de son père, il devient avocat et exerce d’abord à Embrun [8] avant de s’installer à Marseille où il est signalé comme avocat en 1867 au 22, rue Paradis [9]. C’est aussi à cette époque qu’il fait ses débuts en politique dans l’opposition républicaine à l’Empire. Franc-maçon, comme le nîmois Gaston Crémieux de quatre ans son aîné, avec lequel on le retrouvera souvent sur plusieurs fronts, et d’abord sur celui de la promotion de l’instruction laïque. Leurs figurent l’un après l’autre sur la liste des seize membres du comité fondateur de l’Association phocéenne de l’instruction des deux sexes en 1868 [10].

L’année suivante, ils soutiennent le candidat républicain Léon Gambetta qui sera élu député des Bouches-du-Rhône en mai 1869 ; le 16 avril de la même année, c’est Bouchet qui ouvre une réunion publique rassemblant près de six cents personnes au Palais lyrique (au 39, de la rue Impériale) par la lecture d’une lettre de M. Gambetta, le jeune défenseur de la souscription Baudin [11] qui s’excusait de son absence, avant de laisser la parole à Crémieux qui parla de l’éducation des filles et de la voie dans laquelle il importait de la faire entrer [12].

Aux côtés de Gaston Crémieux et de Gustave Naquet, directeur du journal Le Peuple, Bouchet est aussi parmi les animateurs des premières réunions marseillaises contre le plébiscite de Napoléon III qui se tiendra le 8 mai 1870 [13]. Quittant Le Peuple pour fonder L’Égalité, l’organe de l’Union démocratique du Midi dont le premier numéro parait le 1er mai 1870, ils s’engagent résolument avec leur nouveau journal dans la campagne anti-plébiscitaire : Bouchet et Crémieux font partie des treize délégués du comité marseillais de l’Union démocratique signataires du Manifeste de la gauche de Gambetta appelant à voter « non » à ce plébiscite [14]. Bouchet remporte ensuite sa première victoire politique avant la chute de l’Empire, lorsqu’il est élu conseiller d’arrondissement du 3e canton de Marseille au second tour des élections pour le Conseil général et les Conseils d’arrondisse­ments des Bouches-du-Rhône des 19-20 juin 1870 [15].

Dès que la guerre contre les Prussiens est engagée en juillet 1870, la rapidité des premières défaites françaises entraîne des vagues de manifestations patriotiques contre l’Empereur. Bouchet ( de même que Crémieux) ne participe à celles qui ont lieu à Marseille les 7 et 8 août 1870, mais il n’est pas loin. Il est en effet auditionné comme témoin lorsque Crémieux et d’autres manifestants qui avaient occupé l’Hôtel de ville passent en procès les 27 et 28 août 1870 devant le conseil de guerre. Il est intéressant de souligner qu’à ce moment là, Bouchet met déjà en avant le rôle modérateur qu’il a tenté de jouer en déclarant que dans la soirée du 8 août 1870, il « a engagé ses amis, et particulièrement Crémieux à se retirer et faire évacuer la foule ; que ce dernier était de son avis, mais qu’il avait été obsédé et entraîné par plusieurs personnes, surtout par un nommé Chachuat [16] ». Au terme de ce procès, le conseil de guerre, présidé alors par le colonel Camo, condamne quatre des vingt-trois prévenus, dont Gaston Crémieux, à six mois de prison, peine qui ne fut alors ni la plus légère ni la plus lourde [17]. Parmi l’ensemble des prévenus quatre feront aussi partie des douze membres de la Commission départementale de 1871 aux côtés d’Émile Bouchet : Gaston Crémieux, Charles Alerini, David Bosc et Joseph Maviel.

Moins d’une semaine après le prononcé des condamnations des manifestants de l’Hôtel de Ville, la République était proclamée le 4 septembre 1870 et les détenus politiques libérés à Marseille comme à Paris. À Marseille, les nouvelles autorités locales, en l’occurrence l’Administrateur supérieur des Bouches-du-Rhône, Alphonse Esquiros, et le Préfet, Alphonse Gent, s’appliquèrent rapidement au remplacement des fonctionnaires. Bouchet en fut un des bénéficiaires : le 8 septembre 1870, il était nommé substitut du procureur de la République au tribunal de Marseille [18], nomination qui faisant de lui un magistrat le retirait de la profession d’avocat.

Éloigné de la vie publique après cette nomination, Bouchet réapparaît six mois plus tard sur la scène marseillaise, d’abord avec sa démission adressée le 23 mars 1871 au ministère de la Justice publiée dans la presse locale [19]. Cette lettre de démission qu’il avait rendue publique sera le premier document qu’il citera dans sa lettre aux Conseil de discipline des avocats de Marseille. Son nom continuera à apparaître dans la presse au début de la Commune de Marseille, du 23 au 28 mars 1871, au bas de différentes proclamations de la Commission départementale provisoire.

Dans sa lettre, il relate aussi avec beaucoup de détails certains de ses faits et gestes du 23 au 30 mars 1871 en dénonçant parallèlement plusieurs personnes, anonymement ou pas. Ainsi, pour la journée cruciale du 23 mars qu’il passe en grande partie au siège du club de la garde nationale, c’est là, note-t-il, qu’il entendit un orateur, qu’il ne nomme pas, mais qu’il dote d’une « parole plus élégante que sensée [20] », proposer avec énergie d’enlever le Préfet et de le remplacer par un fonctionnaire qui soutiendrait ouvertement le gouvernement de Paris. Les avocats auxquels s’adresse sa lettre savent que le Préfet a été enlevé et fait prisonnier, mais savent-ils qui est l’orateur qui a eu l’idée de cet enlèvement ? Cette dénonciation anonyme est la première inélégance de Bouchet dans sa lettre ; il en commettra d’autres. Il passe sous silence la démarche conjointe qu’il fit avec Gaston Crémieux d’écrire alors au conseil municipal une missive qui sera lue par le Maire et consignée dans les registres des délibérations [21]. Une telle missive laisse penser qu’il fut avec Crémieux à l’origine de la Commission départementale provisoire et qu’il participa à la rédaction de ses premières proclamations.

Ces remarques préliminaires nous mettent en garde sur une lecture naïve de la lettre de Bouchet qui, en bon avocat qu’il est, sait convaincre et choisir les faits qu’il cite, en en omettant d’autres pouvant nuire au caractère modérateur qu’il veut donner de lui. Sa démarche n’enlève rien au fait que les actions qu’il choisit de relater font partie de l’histoire de la Commune de Marseille et ne doivent pas être négligées. Ainsi, l’épisode de sa contribution à la libération d’un des prisonniers, le capitaine Roussier du 4e bataillon de la garde nationale, auquel il consacre toute une page sur les huit pages de sa lettre, lui sert aussi à faire état de son opposition à Me Crémieux. Dans sa lettre, il ne désigne en effet Gaston Crémieux que par son titre d’avocat (Me pour Maître), sans jamais préciser qu’il était président de la Commission départementale provisoire dont lui-même n’était qu’un des membres. En notant par ailleurs que le capitaine Roussier avait été fait prisonnier « sous le reproche d’avoir proféré des paroles insultantes pour la République », Bouchet nous fait aussi implicitement savoir que les hommes qui occupaient la Préfecture de Marseille étaient des défenseurs farouches de la République !

Bouchet note aussi que le 26 mars, il signa plusieurs mesures administratives urgentes, mais n’en évoque qu’une : « l’envoi immédiat en Algérie des armes destinées à comprimer l’insurrection arabe ». Voulant probablement faire preuve de son patriotisme en citant cette seule décision, Bouchet affirme par là que son appartenance à la Commission départementale ne l’empêche pas de partager la politique coloniale de la France et la répression violente qui l’accompagne. Les rapports des communards, repentis ou pas, avec le colonialisme reste une question rarement abordée par l’historiographie ; des études coloniales qui ne lui étaient pas directement consacrées ont fait apparaître qu’Émile Bouchet était déjà proche des milieux coloniaux marseillais avant 1871, notamment d’Eugène Étienne qui sera député d’Oran puis ministre de la guerre [22]. Après la Commune, lorsque Bouchet sera député et ensuite avocat au Tonkin, comme nous le verrons dans la deuxième partie de sa biographie, il se montrera un défenseur puis un acteur actif de la colonisation française.

Pour l’heure, revenons à sa lettre au Conseil de discipline des avocats dans laquelle les derniers faits et documents qu’il cite datent du 30 mars 1871, quatre jours avant la fin de la Commune de Marseille à laquelle il n’assista probablement pas. Lorsqu’il sera déféré en juin 1871 devant le conseil de guerre pour sa participation à la Commune de Marseille, il déclara qu’il était chez son père à Embrun lorsqu’il apprit qu’il était en état d’arrestation [23].

Dans sa lettre, il n’est jamais question du procès dans lequel il comparut du 12 au 28 juin 1871 avec seize autres prévenus, dont Gaston Crémieux, devant le 1er conseil de guerre de la 9e région militaire de Marseille, procès au terme duquel Bouchet fut un des six acquittés et Gaston Crémieux un des trois condamnés à la peine de mort. Cette absence totale de référence à ce procès laisse penser que la lettre de Bouchet leur est antérieure et ne date pas de l’année 1872 comme l’écrit Ugo Bellagamba [24] et après lui Roger Vignaud ou le Maitron dans les notices déjà citées qu’ils consacrent à Émile Bouchet. Bellagamba fut le premier à indiquer que la lettre de Bouchet a été examinée le 7 juillet 1872 par le Conseil de l’ordre des avocats de Marseille [25], ce qui ne présume pas de la date à laquelle été écrite ; pour nous, Bouchet l’a très probablement rédigée dès la fin du mois de mars 1871.

À MM. les membres du conseil de discipline des avocats de Marseille

Messieurs et confrères

Les rumeurs qu’ont engendrées les événements de ces derniers jours à Marseille, le rôle qui a pu m’être attribué par plusieurs dans ce mouvement mal défini, me font un devoir de vous faire un récit loyal de tout ce qui m’a été personnel. Je sens très bien que je vous dois la plus exacte vérité, alors que je demande à reprendre ma place au barreau.

Mon indignation fut grande lorsque le 22 mars (huit heures du soir), je lus sur nos murs la dépêche dans laquelle le gouvernement de Versailles déclarait ses tendresses pour les Rouher, Chevreau, Boittelle et Canrobert, soutiens de l’infâme Empire. Je commençais à me trouver singulièrement déplacé dans mes fonctions, mais ma décision fut rapide et inébranlable dès que je vis que l’on poussait le cynisme jusqu’à convier la population à acclamer un gouvernement qui venait de commettre une telle faute.

Et comment réunissait-il la population frémissante et surexcitée déjà par les nouvelles confuses de Paris ? En faisant battre le rappel ! En mettant les armes aux mains d’hommes exaltés ! [26]

Je n’ai pas voulu demeurer une heure de plus fonctionnaire d’un gouvernement alliant de telles inepties à de pareilles imprudences. À onze heures [27], le 23 mars, ma démission était déposée au parquet. Elle était conçue en ces termes :

Marseille, le 23 mars 1871

Monsieur le Ministre,

Le 8 septembre dernier, j’ai été nommé substitut du procureur de la République à Marseille. Aujourd’hui, 23 mars, je ne puis considérer comme républicain le gouvernement qui par sa protection accordée aux agents impériaux et autres agissements multipliés, appelle la révolution.

Je ne puis rester, une heure de plus, solidaire d’actes que je ne saurais accepter.

Désireux de rentrer, sans risque de forfaiture, dans le plein exercice de ma liberté de citoyen et de républicain, je vous prie d’agréer ma démission et la cessation de mes fonctions à la date du 23 mars, onze heures du matin.

Daignez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma considération respectueuse.

E. Bouchet 

 

A deux heures, j’étais au club de la garde nationale hâtivement réuni pour arrêter la ligne de conduite à suivre dans les difficiles conjectures qu’avaient entraînées le rappel. Une parole, plus élégante que sensée, conseillait avec énergie de se servir du mouvement pour enlever le préfet et le remplacer aussitôt par un fonctionnaire marseillais qui soutiendrait ouvertement le gouvernement de Paris. L’un des assistants, croyant apercevoir des visées personnelles dans ce discours entraînant, s’écria ironiquement « Oui, c’est cela ; nommons X…. (l’orateur). »

Je me levai alors et déclarai qu’à mon sens le club devait assurément condamner le gouvernement de Versailles, comme je venais de le faire par ma démission, mais que, réunion sérieuse et honnête, il ne saurait appuyer le mouvement insurrectionnel de Paris qui, n’étant affirmé que par des noms obscurs, pouvait être soudoyé par les Prussiens inassouvis ou les bonapartistes audacieux. J’appuyai cette dernière hypothèse, en rapprochant la révolution parisienne de l’apparition de Rouher et de la démarche de Canrobert venant, dans un langage plein de dignité, offrir sa loyale épée à la République. Ma conclusion fut que, pour donner satisfaction aux esprits exaltés, nous devions, comme on venait de le proposer avant moi, envoyer une délégation au préfet et obtenir de lui une communication constante des dépêches, tant de Paris que de Versailles. Les applaudissements et le vote unanime de l’assemblée donnèrent raison à mes paroles et le club députa aussitôt à la préfecture quelques uns de ses membres parmi lesquels je me trouvai.

Pendant que nous informions le Préfet du but de notre démarche et alors que déjà ses paroles arrivaient à nous donner satisfaction, son Secrétaire particulier accourut nous annonçant que des bataillons armés cernaient la Préfecture et nous adjurant de les contenir. Je sortis aussitôt par une porte latérale (rue Montaux). Quelques capitaines me dirent qu’ils venaient acclamer Paris, puisque réunis depuis le matin on les avait laissés sous les armes pendant plus de cinq heures sans ordres ni instructions. Devant la grande porte de la préfecture, je rencontrai le citoyen J… Il me déclara que son intention inébranlable était d’entrer dans l’hôtel départemental ; cependant il me donna vingt minutes pour informer des volontés de ses compagnons, le club dont j’étais le délégué. Je me hâtai. Le Comité, instruit des événements, persista dans sa médiation d’ordre. Nous retournions pour chercher à faire prévaloir cette ligne de conduite lorsque nous apprîmes que la Préfecture était envahie et les coups de feu commencés (un fusil, en effet, avait été déchargé par imprudence ou intentionnellement). Je précipitai ma course ; mais, à mon arrivée, le Préfet, ses deux Secrétaires et le général Ollivier étaient déjà arrêtés. Je dois dire, d’ailleurs, que mes paroles d’apaisement, de modération et de calme étaient fort mal accueillies par les cerveaux échauffés, même par les hommes sur lesquels j’avais toujours vu peser mon influence. Je traversai bien des brutalités de langage, bien des lazzis, en poursuivant sans découragement ma mission conciliatrice jusqu’à sept heures et demie du soir.

Je rentrai chez moi.

À neuf heures, je me rendis au club de la garde nationale où j’appris que, par une délibération prise à six heures, j’avais été délégué, avec MM. Barthelet et Cartoux à la Commission départementale, en même temps et parce que le conseil municipal envoyait aussi ses trois délégués, MM. Bosc, Desservy et Sidoire [28]. Je refusais d’abord de m’y rendre, mais dus céder devant la confiance de l’assemblée dont le mandat était de défendre l’ordre qui, d’un instant à l’autre, pouvait être compromis.

À peine étais-je à la Préfecture que se produisit un incident trop caractéristique de la situation pour que j’en omette la relation.

M. Roussier, courtier, capitaine dans le 4e bataillon de la garde nationale, était amené prisonnier, sous le reproche d’avoir proféré des paroles insultantes contre la République, et d’avoir retenu de force toute l’après-midi le citoyen Pignatel, caporal de sa compagnie.

M. Roussier, interrogé, dit à la Commission qu’à midi et demie son commandant ne voulant plus lui laisser son bataillon sur les allées de Meilhan où il était réuni depuis deux heures, avait donné l’ordre de le faire rentrer dans cour du Lycée (Boulevard du Musée). La consigne était de former des faisceaux et de laisser sortir les gardes nationaux par escouades de dix hommes, sans armes. Le caporal Pignatel, excellent cœur, tête exaltée, tenait essentiellement à emporter son fusil. Son capitaine s’y opposa. Inde irae.

Quant aux invectives contre la République, M. Roussier les niait énergiquement.

En présence de ces explications, Me Crémieux prononça la mise en liberté et invita le capitaine à regagner sa demeure. J’intervins et fis observer que l’irritation était trop intense chez quelques uns des citoyens qui gardaient la préfecture pour qu’il n’y eût pas danger à laisser sortir immédiatement M. Roussier. Ce dernier partagea lui-même mon opinion et demanda à passer la nuit dans une salle. Je le fis conduire, puis j’appelai Pignatel dont je connais la sincérité et la bonne foi. Je lui demandai si la narration du capitaine était exacte. Il en reconnut la fidélité et lorsque je lui déclarai que par prudence, nous avions remis au lendemain la libération du prisonnier, il s’offrit spontanément et sous sa responsabilité à le reconduire lui-même jusqu’à son domicile.

J’acceptai.

M’entendant donner l’ordre de remise en liberté, le citoyen C…, l’un des gardiens improvisés, me menaça du geste et me déclara responsable de tous les agissements réactionnaires du capitaine Roussier. Je dus lui répondre que je ne m’effrayais nullement de ses paroles d’intimidation que je subissais pour la troisième fois. Il m’a toujours été hostile, en effet, depuis que je fus le voir spontanément à la prison St-Pierre où il avait été incarcéré sous l’Empire, avec le citoyen G… pour une de ces peccadilles politiques qu’a toujours réprimées durement le gouvernement déchu. Je n’ai jamais compris cette inimitié.

Après cet incident, je rentrai dans la salle de la Commission. J’y étais à peine depuis quelques minutes qu’une dizaine de citoyens entrèrent, demandant qui avait mis en liberté le citoyen Roussier.

Je leur fis observer que le citoyen C... les accompagnait, ils devaient parfaitement savoir que la responsabilité de cet acte m’incombait. Je leur exposai les raisons qui m’avaient mené à donner l’ordre. Pour la plupart ils comprirent que mes motifs étaient suffisants. Le citoyen C… lui-même sembla les trouver justes et me demanda à quelle époque je plaçais les trois provocations dont je venais de me plaindre. Seul le citoyen B… ne se montra point satisfait et me saisit le bras gauche en me menaçant de sa carabine. Par un mouvement énergique je me débarrassai de son étreinte.

Certes, ma riposte était beaucoup plus brutale que l’attaque et si les hommes tels que le citoyen B… entraînés par leur zèle, méritaient la réputation qu’on leur fait, bien à tort, je serais tombé en ce moment percé de vingt balles. Ils sont bons, mais leur susceptibilité, irritée par une longue oppression, leur fait voir des traîtres partout. Qu’ils aient confiance en ceux qui les apprécient et les aiment ; qu’ils se délient des misérables qui volent pendant qu’eux songent au salut de la République et avant peu les idées de progrès et de liberté seront admises par tous les Français.

Pardonnez-moi, Messieurs, ce paragraphe incident qui s’est imposé à mon esprit.

Le lendemain (24) j’arrivai à la Préfecture à neuf heures. Je rencontrai chez plusieurs membres de la Commission les intentions que nous espérions faire prévaloir. Mise en liberté des prisonniers en otages et remplacement du drapeau rouge (qui personnellement ne m’effraie en rien) par l’étendard tricolore sous les plis duquel la France a fait sa grande révolution, et qu’elle a fait saluer par toutes les capitales de l’Europe.

Ces deux idées qui s’imposaient à nos esprits, comme les gages premiers de la conciliation, rencontrèrent une énergique résistance de la part des citoyens qui gardaient la Préfecture. Me Crémieux dut, devant l’attitude plus que ferme de quelques-uns retirer l’ordre qu’il venait de donner concernant le remplacement du drapeau( [29]).

Toute la journée du 24 se passa en tiraillements qui entravaient l’œuvre imposée aux délégués de la garde nationale dont la présence se trouvait parfaitement vaine.

J’informais mes mandants de cette situation difficile et les prévins de ma démission que je déposai, en effet, dès le même soir, après vingt-quatre heures de présence dans la Commission départementale. Voici en quels termes était conçu mon retrait :

Marseille, 24 mars, 11 h. 5 m. soir.

Mes chers concitoyens,

Comme vous tous, j’ai accepté avec résolution le mandat qui nous appelait à composer la Commission départementale provisoire.

Nous devions (et c’est bien la mission que j’avais acceptée) assurer la République compromise par un gouvernement qui ose abriter sous le titre sacré de la République française la protection qu’il accorde à d’odieux agents impériaux.

Le mouvement d’indignation spontanée qui a porté notre population à la Préfecture a été empreint d’une dignité et d’une réserve incontestables.

Il était d’ailleurs uniquement provoqué par l’ordre imprudent qu’a donné l’autorité de battre le rappel.

La Commission (nouvelle consécration de notre belle alliance républicaine) allait délibérer pour assurer la liberté de l’ordre. Il s’est trouvé que plusieurs de nos prescriptions ont rencontré une résistance invincible de la part de quelques citoyens dont le zèle républicain nous a déclarés suspects.

Je suis trop attaché à mes opinions pour m’exposer à me voir soupçonné, alors que je veux, comme toujours, servir la République et rien que la République.

Je me retire.

Salut fraternel.

E. Bouchet.

 

Pendant toute la journée du 25 je me tins assidûment à la permanence du club de la garde nationale, pour soutenir, de toutes mes forces, son programme d’apaisement et de tranquillité. J’y étais encore le soir à la réunion générale des délégués. La discussion s’agitait sur les moyens à employer pour faire rentrer chaque chose dans l’ordre avec des garanties pour la République, lorsque Me Crémieux vint récriminer contre ma démission et prier le club de ne point l’accepter. J’expliquai de nouveau les motifs de ma retraite et déclarai qu’en persistant je respectais la dignité du club et la mienne. Par deux fois je maintins énergiquement ma décision. Mais le club, voulant bien trouver en moi et dans mes idées connues de tous, une garantie pour son programme, et prenant acte des promesses qui semblaient assurer l’indépendance de la Commission départementale, vota, à l’unanimité, que je devais reprendre mes fonctions. La persistance de mon refus eût été, dès lors, une lâcheté et une abdication de mes principes. J’acceptais donc de nouveau ce difficile mandat, mais en protestant encore. Voici en effet dans quels termes je formulais mon consentement : « J’aimerai mieux sacrifier ma vie que ma dignité. Vous me demandez de fouler aux pieds celle-ci, soit, j’accepte au nom de la République et pour elle. »

Sur cette déclaration, le club vota une insertion dans les journaux qui, en exprimant la contrainte que je subissais, pût me mettre à l’abri de toute interprétation malveillante.

Le lendemain, en effet, on lisait dans les feuilles publiques [30] la note suivante :

Plusieurs membres de la Commission départementale, mécontents des entraves qu’on opposait à l’exécution de leurs ordres, se sont retirés, ne jugeant pas pouvoir accomplir la mission de dévouement qu’ils avaient acceptée dans l’intérêt de l’ordre public.

Voici exactement la manière dont le citoyen Bouchet a été amené à rentrer dans le sein de la Commission.

Hier soir le citoyen Gaston Crémieux est venu au club de la garde nationale demander vivement que le club imposât au citoyen Bouchet le retrait de sa démission.

Notre ami Bouchet a déclaré que les motifs de sa retraite, franchement donnés, subsistant dans toute la gravité qu’il y attachait, il lui était impossible d’entrer de nouveau dans la Commission départementale provisoire.

Le club l’a de nouveau acclamé et contraint, par un vote unanime à reprendre ses fonctions. Cette preuve d’estime de la part d’une réunion aussi honorable et la pression exercée sur le citoyen Bouchet, sont de nature à défier toute interprétation engageant le caractère de notre ami.

Le citoyen Barthelet n’avait pu accepter ces mêmes fonctions par des motifs tout personnels dont le club a retenu la justesse.

Le citoyen Fulgéras, ingénieur et capitaine de la garde nationale, a été désigné à sa place et a accepté.

Nous félicitons les citoyens qui se dévouent ainsi. 

 

Le lendemain (26), je vis bien que les idées émises l’avant-veille pour les concessions de drapeau et d’élargissement des otages n’avaient pas fait un pas et que la résistance régnait encore dans toute son intensité.

J’abandonnai l’espoir de les faire prévaloir et me jetai sur quelques mesures administratives trop négligées qu’il fallait prendre d’urgence. Comme par exemple et en première ligne, je placerai les démarches que je fis et les ordres que je donnai pour l’envoi immédiat en Algérie des armes destinées à comprimer l’insurrection arabe.

C’est ainsi que s’écoula cette journée du 26, pendant laquelle les discussions prudentes de la Commission départementale furent bien moins troublées que pendant les heures agitées de l’avant-veille.

Le 27 fut consacré en entier à nos pourparlers avec le conseil municipal qui, après avoir engagé sa délégation, comme le club avait engagé la sienne, retirait les pouvoirs de ses mandataires, sans qu’aucun fait nouveau eût surgi, sans que la situation fût changée autrement que par un retour très sensible vers le calme.

J’apercevais déjà la solution pacifique et digne que j’avais préparée, de concert avec les membres de la Commission. Aussi j’engageai vivement le conseil municipal de ne point faire une défection qui ne s’appuyait que sur des rumeurs publiques et accusait cette politique débile et hésitante généralement reprochée à ce corps électif.

À minuit, le conseil annonçait que, par son vote (8 voix contre 7), il persistait dans le retrait de ses délégués. Le club de la garde nationale rappela aussitôt ses mandataires et informa la Commission départementale de sa décision, par la lettre que je transcris :

Au Citoyen Président de la Commission départementale 

Marseille, mardi 28 mars, 1 heure du matin.

Citoyen,

Le Club républicain de la garde nationale, s’inspirant comme le conseil municipal, d’idées de conciliation, avait en même temps que lui envoyé une délégation à la Commission départemen­tale provi­soire.

Le conseil municipal retirant la sienne, nous venons de prendre la délibération de retirer la nôtre.

Salut et Fraternité

Vive la République !

Pour le Club, Le Bureau

 

M. Fulgéras et moi devions, par égard pour la Commission dont nous avions fait partie et afin de point éveiller les susceptibilités irritables, accompagner de quelques mots la notification du club. C’est dans cette intention que nous adressâmes à nos ex-collègues la lettre suivante :

Marseille, mardi 28 mars, 1 h. 40 m. du matin.

Chers concitoyens,

Le Club républicain de la garde nationale, en présence de l’attitude regrettable du conseil municipal, nous retire nos pouvoirs de délégués.

Nous ne pourrions donc désormais siéger parmi vous qu’appelés par d’autres groupes républicains.

Toutefois nous devons vous dire que nous considérons comme plus sage de voir la Commission départementale maintenir la délibération qu’elle a prise à la mairie en laissant au conseil municipal la responsabilité des événements qui vous menacent.

Salut et Fraternité,

Fulgéras. E. Bouchet. [31]

 

Me voici arrivé au terme de mon rôle dans les événements qui viennent d’agiter Marseille. Cependant je dois encore poursuivre un moment mon récit, puisque les membres siégeant après nous à la Commission départementale ont cru pouvoir, depuis mon retrait définitif, me faire figurer à mon insu, dans leur administration à laquelle je n’avais participé d’abord que par obéissance et discipline républicaines.

Mon étonnement fut grand lorsque, dans la journée du 28, je vis placarder des affiches portant mon nom, lorsque surtout je vis ma signature appuyant celles de ces trois jeunes citoyens de Paris dont le mandat m’est inconnu. Chacun des membres du club de la garde nationale avait partagé mon impression. Aussi fut-il décidé qu’une protestation, attribuant l’usage de nos noms à une erreur, serait adressée à la presse marseillaise. Les journaux du lendemain contenaient cet avis :

Le Club républicain de la garde nationale s’est, avec raison, étonné de retrouver hier, sur des affiches de la Commission départementale, les noms de ses délégués, Cartoux, Émile Bouchet et Fulgéras.

C’est sans doute par erreur que l’on a usé encore de ces noms qui avaient été retirés dans la nuit précédente, à une heure du matin.

Par délibération d’hier soir, le club a décidé que le public devait être informé de cette erreur qui ne peut engager le club de la garde nationale, ni ses délégués.

Les Membres du Bureau

 

La Commission crut devoir ne tenir aucun compte de cette courtoise protestation et continua le lendemain à appuyer de nos noms ses communications au public.

J’ai alors accentué davantage mon appréciation d’un pareil procédé par cette lettre insérée dans L’Égalité et qu’ont bien voulu reproduire les autres journaux de Marseille :

Marseille, le 30 mars 1871

Mon cher rédacteur,

Depuis deux jours (le 28 et le 29) la Commission départementale fait imprimer mon nom au de documents que ne n’ai ni vus ni signés, n’étant plus allé à la Préfecture depuis le 27 ; comme l’ont annoncé les journaux de Marseille, le Club républicain de la garde nationale qui m’avait imposé un mandat de conciliation, en me déléguant à la Commission départementale, m’a retiré mes pouvoirs en même temps que le conseil municipal rappelait ses mandataires.

Je dois donc protester contre un emploi de mon nom dans lequel le Club républicain de la garde nationale a vu une erreur, mais qui, en se perpétuant, devient un abus que je dois signaler à mes concitoyens.

Veuillez agréer, mon cher rédacteur, l’assurance de ma parfaite considération.

E. Bouchet

 

J’ai donc tout lieu d’espérer que cet avis sera mon dernier mot dans une émotion populaire que j’aurai voulu prévenir et que j’ai cherché à calmer lorsqu’il a fallu l’accepter comme un fait accompli.

Tels sont, Messieurs et confrères, en ce qui me concerne, les événements qui se sont déroulés à Marseille du 23 au 30 mars.

Puisse cette narration franche et loyale vous convaincre de mon honnêteté politique qui, avec l’honnêteté privée son corollaire obligé, a été et sera toujours le guide de ma conduite.

Émile Bouchet

Annexe I : Une des proclamations de la Commission provisoire des Bouches-du-Rhône avec le nom d’Émile Bouchet

Dans sa lettre, Bouchet évoque la problématique du drapeau rouge qui flottait au balcon de la Préfecture et que certains, dont il faisait partie, tentèrent vainement tenté de faire remplacer par le drapeau tricolore. Le communiqué ci-dessous de la Commission départementale à propos du remplacement du drapeau rouge par un drapeau noir, porte les noms de neuf (des douze) membres de la Commission départementale initiale ; il y manque ceux des trois délégués du conseil municipal (Bosc, Desservy et Sidore), tandis que ceux de trois délégués du Club républicain de la garde nationale, Fulgeras (qui remplace Barthelet démissionnaire), Cartoux et Émile Bouchet y figurent encore.

Communiqué de la Commission départementale provisoire sur le remplacement du drapeau rouge par un drapeau noir, 28 mars 1871 

« La Commission départementale provisoire des Bouches-du-Rhône aux habitants de Marseille.

Citoyens,

Dans ce moment suprême où le concours de toutes les forces sont nécessaires pour combattre la réaction et assurer définitivement l’existence de la République, que nous venons d’asseoir sur des bases solides, une question de détail, la nuance d’un drapeau semblait diviser les Républicains. Alors que la patrie est en deuil, une seule couleur convient à notre commune douleur. C’est le drapeau noir que nous adoptons jusqu’au jour du succès.

Vive Paris ! Vive la République !

Marseille, le 28 mars 1871.

Les membres de la Commission provisoire départementale,

Gaston Crémieux. Job. Étienne père. Allerini, Guilhard, Malviel, Fulgeras. Cartoux. Émile Bouchet [32]. »

Émile Bouchet après la Commune

 

Plus d’une année sépare les événements de mars 1871 relatés par Bouchet dans sa lettre et la réunion du 26 avril 1872 au cours de laquelle cette lettre fut examinée par la Commission que le Conseil de discipline des avocats de Marseille avait nommée pour cela ; nous y reviendrons. Entre temps, l’itinéraire de Bouchet connut deux épisodes capitaux : le procès de juin 1871 au terme duquel il fut acquitté, et son élection à la députation des Bouches-du-Rhône en juin 1872.

Deux mois après la Commune de Marseille, Bouchet était déféré devant le 1er conseil de guerre de la 9e région militaire de Marseille avec seize autres prévenus pour le procès collectif le plus important intenté à des participants de la Commune de Marseille. Important par sa longueur, ce procès qui dura seize jours, du 12 au 28 juin 1871, fut aussi le plus important par le nombre des prévenus appelés à comparaître dans l’ordre suivant : Gaston Crémieux, 34 ans, avocat ; Auguste Étienne (père), 52 ans, portefaix ; Alphonse Pélissier, 42 ans, journaliste, ex-militaire ; Eugène Ducoin, 45 ans, entrepreneur en maçonnerie ; Jean-Baptiste Duclos, 36 ans, menuisier ; Alexandre Bauche, 41 ans, tailleur d’habits ; Émile Bouchet, 30 ans, avocat ; Philippe Novi, 38 ans, tailleur d’habits, ex-gardien de la paix ; Gabriel Génétiaux, 37 ans, gardien de la paix ; Joseph Hermet, 38 ans, tailleur de pierre ; Joseph Martin, 38 ans, tailleur de pierre ; Jean-Marie Nastorg, 31 ans, agent de commerce ; Célestin Matheron, 31 ans, agent d’assurance ; Auguste Sorbier, 33 ans, journaliste, Alphonse Éberard, 39 ans, instituteur ; Claude Breton, 46 ans, pharmacien ; Henri Chachuat, 26 ans, menuisier [33].

Ces dix-sept prévenus n’étaient pas nécessairement les personnalités les plus importantes de la Commune marseillaise. Si l’on range parmi ces dernières, les douze membres de la Commission départementale provisoire installée le 23 mars dans la Préfecture occupée, seulement trois d’entre eux, Crémieux, Étienne et Bouchet, ont été jugés lors du procès du 12 au 28 juin 1871.

La première proclamation de cette commission du 23 mars 1871, parut dès le lendemain à l’identique dans de nombreux journaux, porte douze noms, parfois mal orthographiés : « Les membres de la Commission provisoire du département des Bouches-du-Rhône : Gaston Crémieux. Étienne père. Job. Bosc, Desservy, Sidore, conseillers municipaux. Maviel. Allerini. Guellard. Barthelet. Émile Bouchet. Cartoux [34]. » Il s’agit plus précisément de trois représentants du Club républicain du Midi : Gaston Crémieux, Auguste Étienne (déjà cités) et Joseph Job, 43 ans, cuisinier ; de trois conseillers municipaux : David Bosc, 54 ans, armateur ; Eugène Desservy, 34 ans, avoué ; Joseph Sidore (qui n’a pu être mieux identifié) ; de trois représentants du Comité des réunions populaires : Joseph Maviel, 24 ans, cordonnier ; Charles Alerini, 29 ans, enseignant ; Firmin Guilhard, 30 ans, charpentier ; et de trois représentants du Club républicain de la garde nationale : Edmond Barthelet, 26 ans, ingénieur ; Émile Bouchet (déjà cité) et Charles Cartoux, 43 ans, agent commercial [35].

Parmi les douze membres de cette commission initiale, Crémieux, Étienne et Bouchet sont aussi les trois seuls à avoir été jugés dans un procès contradictoire ; quatre autres furent jugés et condamnés à mort par contumace par le même Conseil de guerre : Alerini et Job le 25 janvier 1872, Guilhard et Maviel le 26 janvier 1872 [36]. Cartoux, délégué par le Club républicain de la Garde nationale, qui s’était ensuite exilé en Espagne, revint de lui-même à Marseille, comme Bouchet, se présenter devant les autorités militaires : auditionné, il fut l’objet d’un non lieu le 11 novembre 1871 [37]. Les membres restant de la Commission ne furent pas poursuivis judiciairement pour y avoir participé : ni les trois délégués du Conseil municipal : Bosc [38], Desservy et Sidore, ni Barthelet, délégué le 23 mars par le Club républicain de la Garde nationale, avant d’en démissionner le lendemain et d’être remplacé par Fulgéras, qui, lui non plus, ne fut pas poursuivi.

Lors du procès de dix-sept des participants à la Commune de Marseille, Bouchet, au cours de son interrogatoire du 13 juin 1871 (dont de larges extraits sont transcrits en annexe), s’exprime aussi sur plusieurs faits et gestes qu’il avait relatés dans sa lettre aux avocats marseillais. Même s’il le fait sur un autre ton et dans un autre contexte, il garde la même ligne de défense en renvoyant la responsabilité sur les autres et en insistant sur son rôle modérateur et sur le « profond dégoût » que lui inspirait le milieu dans lequel il se trouvait à la Préfecture. Deux mois de prison n’avaient pas entamé son sentiment de supériorité !

Malgré les preuves avérées de sa participation aux débuts de la Commune de Marseille en tant que membre actif de la Commission départementale, Bouchet fut acquitté, une clémence qui doit moins, me semble-t-il, à ses propres déclarations qu’à celles de son avocat, Me Clément Laurier qui flatta exagérément la fibre militaire des membres du conseil de guerre et désolidarisa Bouchet de Crémieux en attaquant insidieusement ce dernier. Comme on pourra le lire dans les comptes-rendus d’audiences également transcrits en annexe, Me Aicard, le défenseur de Crémieux, ne laissa pas passer ces attaques, sans pour autant démonter Laurier.

Le 28 juin 1871, le conseil de guerre condamna, à l’unanimité, Crémieux et Étienne à la peine de mort, ainsi que Pélissier qui, lui, n’avait pas été membre de la commission départementale. Huit autres des dix-sept prévenus furent condamnés à différentes peines [39] tandis que Bouchet fut acquitté à l’instar de cinq autres prévenus : Ducoin, Génétiaux, Hermet, Matheron et Sorbier.

Quatre mois après son acquittement, Bouchet, se présentait aux élections dans le 5e canton de Marseille pour le Conseil général et y était élu le 9 octobre 1871 [40]. Peu après, le Conseil général se préoccupa du sort des condamnés à mort de Marseille qui attendaient encore la réponse de la Commission des grâces [41] ; Alexandre Labadié, un des membres du Conseil général, fut envoyé à Versailles pour intercéder en leur faveur. À son retour, Labadié déclara qu’il n’avait pu voir la Commission des grâces à laquelle il a fait parvenir des observations écrites, mais que Thiers était favorable à la clémence [42]. Pour Gaston Crémieux, la démarche de Labadié fut vaine, de même que de nombreuses autres démarches en sa faveur [43] ; alors que ses compagnons de peine seront graciés le 27 novembre [44], Crémieux sera fusillé le 30 novembre 1871.

L’année suivante, Bouchet, déjà conseiller général des Bouches-du-Rhône, est candidat aux élections législatives complémentaires du 8 janvier 1872 dans ce même département. Il arrive en tête des suffrages avec une majorité de 48 000 voix sur 81 000 votants, suivi de près par un deuxième élu de l’Union Républicaine, Challemel-Lacour [45].

Bouchet était député depuis plus de trois mois lorsque le Conseil de discipline des avocats de Marseille se réunit le 26 avril 1872 pour examiner sa demande de réintégration au barreau justifiée par la lettre reproduite ci-dessus. Sa demande fut rejetée catégoriquement : « Jamais, le Barreau, la Magistrature (...) ne toléreront qu’on puisse, sans blesser profondément tous les sentiments de l’honnêteté publique, étant substitut du Parquet le matin, se placer le même jour dans un milieu insurrectionnel pour y prendre une part quelconque à des actes qui auront commencé par la mise sous surveillance et fini par la détention comme otages des autorités desquelles on relevait encore le matin. Par cette dernière considération, qui domine en importance toutes les autres, il y a, en dehors de toute acception politique, un obstacle absolu à l’admission demandée. Délibère y avoir lieu de ne point accueillir la demande en inscription au Tableau formée par M. Bouchet [46]. »

Après que Bouchet ait déposé un recours auprès du tribunal d’Aix, celui confirma par un arrêté du 17 août 1872 la décision disciplinaire prise à son encontre [47] ; si le barreau de Marseille ne réintégra plus Bouchet à son tableau, l’Assemblée nationale le gardera encore plusieurs années.

Concernant plus particulièrement les propositions de députés républicains en faveur de l’amnistie des communards, Bouchet s’associa lors de son premier mandat avec trois députés – Alphonse Esquiros (BdR), Noël Madier de Montjau (Drôme) et Louis Ordinaire (Doubs) – à la proposition d’amnistie pleine et entière déposée le 20 décembre 1875 par Alfred Naquet, député du Vaucluse, proposition sur laquelle l’Assemblée ne s’est pas prononcée [48].

Réélu dans les BdR le 20 février 1876, Bouchet continue à soutenir les propositions de lois en faveur de l’amnistie des communards : le 20 mai 1876, il fait partie des 99 députés qui votent en faveur d’une nouvelle proposition de loi d’amnistie contre laquelle se prononcent 367 députés [49]. Mais l’idée de l’amnistie continue à avancer à la Chambre.

Le 22 février 1879, lors d’un débat sur le projet de loi d’amnistie partielle, Bouchet s’exprime longuement pour déposer un amendement : en s’appuyant sur la situation particulière de Marseille, il demande d’élargir la loi à des concitoyens compromis dans les événements marseillais de 1871 qui ne furent pas inquiétés durant plusieurs années, mais livrés ensuite à une justice d’exception pour des accusations ou des délits sans relation avec les événements de 1871. Il signale que le commandant de l’état de siège à Marseille [le général Espivent de la Villeboisnet] maintint plusieurs années des tribunaux d’exception et y déféra en premier lieu M. Bosc [David], un homme « possédant une fortune considérable », dit-il, « frère d’un de nos honorables collègues [50] aujourd’hui », en l’accusant du vol d’une montre à un sergent de ville [51]. David Bosc, je le rappelle, avait fait partie de la Commission départementale de 1871 en tant que délégué du Conseil municipal et n’avait effectivement pas été inquiété judiciairement pour sa participation à cette commission. Continuant son exemple, Bouchet ajoute que David Bosc, déféré devant le conseil de guerre pour un vol improbable, fut acquitté, sentence qui déplut tellement au commandant de l’état de siège qu’il changea le président du conseil de guerre. Ce nouveau président, pour ne pas lui déplaire, condamna tous les autres accusés, les uns pour vols, les autres pour arrestations arbitraires, les autres pour séquestrations [52]. La proposition de Bouchet d’élargir la loi d’amnistie partielle à des personnes frappées, comme Bosc, par une justice d’exception ne fut finalement pas adoptée, mais elle lui donna l’occasion de rappeler aux députés les procès arbitraires qui avaient eu lieu à Marseille plusieurs années après la Commune et sans relation directe avec elle.

Le 22 février 1879, Bouchet fit partie des 343 députés sur 437 qui votèrent pour l’ensemble du projet de loi relatif à l’amnistie partielle [53], loi qui sera promulguée le 3 mai 1879 [54]. Un an après c’est une loi d’amnistie entière qui est en débat le 21 juin 1880 à la Chambre. Bouchet n’est pas intervenu dans ces débats auxquels prit part exceptionnellement et longuement Gambetta, le Président du Conseil, pour déclarer que le temps était venu pour l’amnistie. Le vote le confirmera avec 312 voix pour, dont celle de Bouchet, et 136 voix contre « le projet de loi portant amnistie pour tous les crimes et délits se rattachant aux insurrections de 1870 et 1871, ainsi que pour tous les crimes et délits politiques commis jusqu’au 19 juin 1880 [55] » La loi sera promulguée une vingtaine de jours plus tard, le 10 juillet 1880 [56].

Le 21 août 1881, Bouchet était élu pour la troisième fois député des BdR, mais il devra quitter l’Assemblée nationale avant la fin de son mandat. Il fut en effet poursuivi avec son associé Marius Poulet, député du Var, en tant qu’administrateurs de la compagnie d’assurance maritime le Zodiaque, pour contravention à la loi sur les sociétés. Le 10 décembre 1884, Bouchet était condamné à huit mois de prison et dix mille francs d’amende [57]. Sa notice biographique sur le site de l’Assemblée nationale ajoute qu’il fit appel de ce jugement, obtint la réduction de sa peine à quatre mois de prison et trois mille francs d’amende, et qu’après avoir purgé sa peine, il quitta la France presque aussitôt pour le Tonkin [58].

Une recherche plus récente de Claire Villemagne ajoute que Bouchet installé au Tonkin en 1885, y devint le seul avocat de Hanoi. Il y retrouva Jean Dupuis, explorateur et négociant qui y avait ouvert la voie à la colonisation française et dont il avait soutenu, avec succès, le 24 février 1881 à l’Assemblée nationale la pétition de demande d’indemnisation. Par la suite, note Villemagne, Dupuis intéressa Bouchet à plusieurs de ses affaires, afin, de le dédommager de ses services [59].

Revenu en France à une date indéterminée, Paul Émile Brutus Bouchet y meurt le 27 juin 1915 au Vésinet (Yvelines) à l’âge de 75 ans. Son acte de décès précise qu’il est décédé en son domicile, onze bis rue des Chênes, et qu’il était divorcé de Marie Louise Clémentine Philippe [60].

Annexe II : Émile Bouchet et son défenseur Clément Laurier devant le conseil de guerre : Audience du 13 juin 1871 (soir) : Interrogatoire de Bouchet

Émile Bouchet et son défenseur Maître Clément Laurier devant le Conseil de guerre en juin 1871

S’il n’existe pas, à ma connaissance, un rapport « officiel », rédigé par le greffier, des audiences du procès de dix-sept protagonistes, dont Émile Bouchet, de la Commune de Marseille, on dispose en revanche du dossier de procédure de ce procès (conservé aux Archives départementales [61]), et de plusieurs sources qui ont rendu compte de l’ensemble de ses audiences. Des journaux locaux tels que L’Égalité, le Sémaphore de Marseille ou Le Petit Marseillais, mais aussi des journaux parisiens spécialisés, Le Droit, ou La Gazette des tribunaux, rendirent compte des audiences de ce procès en son temps, tandis qu’une brochure publiée dès 1871 les rassembla après leur clotûre [62]. Si ces différentes sources s’accordent sur le contenu général des audiences, elles en offrent des comptes-rendus plus ou moins détaillés et commentés. Ceux cités ici sont empruntés au Petit Marseillais ou au Sémaphore de Marseille, les deux seuls journaux locaux de cette époque à avoir été numérisés par la Bibliothèque nationale et mis en ligne sur le site de Retronews

Audience du 13 juin 1871 (soir) : Interrogatoire de Bouchet (extraits) 

« Tout d’abord, Bouchet déclare que le fond de ses convictions républicaines et ses principes sont tout à fait contraires à tous les actes dans lesquels il se trouve impliqué. Comme preuve qu’il n’était pas disposé à participer au moindre mouvement insurrectionnel, il cite sa conduite dans les deux premières séances incriminées de l’Eldorado, où il est établi qu’il a tout fait pour concilier, pacifier et empêcher de bruyantes manifestations.

C’est la dépêche malencontreuse de M. Thiers qui, dit-il, lui inspira la pensée de donner sa démission, il ne s’est décidé que le lendemain, en entendant battre le rappel, qui avait pour but, lui avait-on dit, de faire faire par la garde nationale une manifestation en faveur du gouvernement de Versailles, qui par son maladroit télégramme venait de froisser tant de sincères convictions. [...]

Bouchet se défend d’avoir pris une part quelconque dans la composition de la Commission départementale ; il n’est même pas entré dans la salle. Son nom a été mis sur la liste des membres de la commission le lendemain de sa formation, et à son insu. Quand ses amis lui apprirent sa nomination, il ne crut pas possible de la refuser.

Bouchet, en sa qualité de membre de la Commission, ayant fait rendre la liberté au capitaine Roussier, qui avait été illégalement arrêté, les forcenés de la préfecture envahirent la salle ou il se trouvait et là il fut l’objet de quelques violences. [...]

L’accusé poursuivant le récit des événements qui se succédaient entre dans de très longs détails sur les moindres de ses actes ; il tient à établir combien il était éloigné de ces idées insurrectionnelles qui lui sont reprochées. Le milieu dans lequel il se trouvait à la Préfecture lui inspirait le plus profond dégoût. Ce milieu, dit-il, n’était-il pas, en effet, de nature à inspirer le plus profond dégoût à un cœur honnête quand on pense que, dix minutes après l’envahissement de la préfecture, les billes du billard même avaient été enlevées.

Cédant aux obsessions de ses amis après avoir donné sa démission il retourna le 26 à la Préfecture, mais non sans avoir formulé son consentement dans les termes consignés dans le rapport. « J’aimerai mieux sacrifier ma vie que ma dignité ; vous me demandez de fouler aux pieds celle-ci... Soit, j’accepte au nom de la République, et pour elle !... » [...]

C’est l’arrivée solennelle de la députation de Paris qui décida Bouchet à se retirer définitivement, la figure de Landeck surtout lui déplaisait souverainement.

Bouchet explique la part qu’il a prise aux différentes grèves de Marseille. Son intervention, dit-il, a toujours été une mission de conciliation et il termine en appelant l’attention du conseil sur l’étrange anomalie de sa situation.

« C’est, en effet, une étrange anomalie, réplique M. le Président, de trouver un homme intelligent comme lui au milieu de ces hommes avinés, disons le mot, et de subir leur pression. Vous, homme intelligent, qui condamniez à l’avance ce mouvement, ces actes, et qui les condamniez si énergiquement, que ne sortiez-vous de ce milieu, que ne disiez-vous à ces hommes en vous retirant : Nous ne pouvons pas pactiser avec vous, nous, honnêtes gens, nous ne saurions subir plus longtemps votre dictature. »

La séance est suspendue 10 minutes, elle est reprise à 4 heures 3/4.

M. le président demande à Bouchet s’il a assisté à la séance de l’Eldorado et s’il se rappelle les paroles prononcées par Crémieux.

Non, Monsieur le Président, je ne puis me souvenir de ces paroles, mais je puis vous affirmer que, les appréciant, en sortant de la salle, je dis à Crémieux : vous avez été très modéré, dans un langage bien violent. 

Le président demande à M. Bouchet s’il se rappelle que Crémieux ait dit à l’Eldorado : Vive Paris. Vous souvenez-vous avoir entendu Crémieux prononcer ces paroles : « Quel est le gouvernement que vous reconnaissez comme légal ? Est-ce Paris, est-ce Versailles ? Je viens vous demander un serment, c’est celui de détendre le gouvernement de Paris par tous les moyens possibles. »

Je ne puis me le rappeler, Monsieur le Président, je ne me souviens que de quelques paroles, celles dans lesquelles Crémieux emploie l’image de la béquille.

La phrase dont vous vous rappelez aurait dû vous éclairer

Je ne puis vous répondre, Monsieur le Président, sans empiéter sur les droits de la défense de M. Crémieux.

Vous avez assisté à la séance de l’Eldorado et vous avez conservé votre illusion ?

Me Laurier demande s’il n’y a pas eu deux discours ce soir là. 

Non, non, répond M. le président, c’est le même discours, il n’y en a eu qu’un.

Me Aycard, défenseur de Crémieux, demande à ce qu’il soit établi s’il y a eu deux discours. M. Bouchet répond qu il est arrivé à l’Eldorado après Crémieux et qu’il ne peut répondre.

Avez-vous pris part à la confection de la liste des membres de la Commission départementale ? demande M. le Président. Non, répond Bouchet.

Mais vous en avez fait partie ?

Oui, Monsieur, mais j’ai été nommé à neuf heures du soir, et j’ai cru devoir accepter par dévouement, par amour de l’ordre. Je fais remarquer au Conseil que j’étais chez mon vieux père à Embrun, lorsque j’ai appris que j’étais décrété en état d’arrestation. Je n’ai pas fui : je suis venu me constituer prisonnier au fort Saint-Nicolas, lorsque j’étais à dix lieues de la frontière, et qu’au lieu de prendre le chemin de l’étranger, je suis venu me mettre à la disposition de la justice pour qu’elle éclaire ma conduite.

Après avoir fourni des réponses à toutes les interrogations de M. le Président, l’accusé Bouchet s’écrie : Savez-vous ce qui m’a le plus éprouvé en acceptant le mandat d’être de la Commission ? Ce n’était pas le sacrifice de ma vie, mais le sacrifice de ma réputation. Je crois, sans présomption, que je jouissais dans notre ville d’une certaine notoriété.

M. le Président fait observer à l’accusé qu’il était toujours magistrat, puisque sa démission n’était pas encore acceptée.

M. Bouchet demande au Conseil la permission de présenter une réfutation qu’il qualifie lui-même de triviale ; il n’a touché, dit-il, son traitement que jusqu’au 22 au soir, donc, ma démission date de ce jour-là. Ma conduite, ajoute-t-il, a toujours été de donner une apparence de légalité à toutes les illégalités qui se produisaient ; mais c’était une situation impossible qu’il fallait accepter comme un devoir et en conscience. Je croyais faire le bien.

Comment se fait-il que vous, magistrat, vous ayez voulu légaliser le mépris de la loi. Mais c’était là une faute !

Non, monsieur le Président, c’était pour neutraliser les effets funestes de la Commission. Mon dévouement a duré autant que mes illusions. Je croyais pouvoir arriver à une solution pacifique, mais lorsque mes illusions ont été détruites, je me suis retiré.

Dans ses observations, M. le président fait remarquer que par son intelligence il ne devait pas obéir aux hommes qui dirigeaient le mouvement, mais les dominer ?

Je ne me suis jeté dans cette foule que pour cela, mais après tous mes efforts je n’ai pu réussir dans l’accomplissement du devoir de conscience que je m’étais imposé.

Je vous reproche, dit M. le Président, de ne pas avoir donné une démission éclatante et de ne pas avoir rompu avec l’affreux parti des hommes de Paris.

Une démission éclatante, répond l’accusé, m’aurait valu un piédestal ; je ne les aime pas.

J’ai vu de vous une lettre apostillée favorablement pour M. Chauvin [63].

Je n’ai connu autrement Chauvin que par le fait d’une entrevue administrative.

Avez vous connu Mégy [64] ?

— Très peu, Monsieur, mes rapports avec lui ont été nuls, je puis même dire ne jamais lui avoir adressé la parole [65]... »

Audience du 23 juin (matin). Me Laurier a la parole pour Bouchet

Me Laurier commence sa plaidoirie par une peinture émouvante, par un tableau sinistre des malheurs qui affligent la France. [...]

À l’homme héroïque qui a défendu son pays d’une façon vaillante pendant la dernière guerre et qui le défend encore en ce moment devant les monarchistes, nous ne craignons pas de parler avec toute la sincérité de notre cœur.

Dans ce procès, vous relevez contre mon client, Bouchet, quatre faits principaux ; vous les cueillez dans la procédure et vous ne voyez pas que vous commettez une erreur de logique considérable ; peut-être commettrez-vous involontairement une erreur de justice. Songez à ce mot, une erreur de justice ! Et bien, qu’il nous soit permis de vous rappeler cette maxime de tous les hommes justes, de toutes les nations civilisées : il faut juger humainement les choses humaines. Dans tous les codes elle s’y trouve gravée ; elle est aussi enseignée depuis le commencement des siècles par ce professeur de tous les professeurs : le bon sens.

Voilà le principe fondamental de la défense : Bouchet a-t-il commis un crime de forfaiture ? Est-on insurgé malgré soi ? Dans l’accusation les réticences ne sont pas rares, les mensonges non plus. Afin de vous le prouver nous allons prendre les faits un à un, les enchaîner, les coordonner, les commenter.

De l’accusation il ressort ceci : 1. Avant l’arrivée des délégués de Paris, Bouchet est responsable. 2. Après leur arrivée il est irresponsable.

Suivant les faits ; le jour où la Commune de Paris s’imaginait qu’elle avait le droit de faire la loi à la France rurale, elle n’avait qu’un moyen de se soutenir, de se sauver, c’était de savoir être la minorité.

Nous non plus, nous ne sommes pas avec la France rurale, mais Dieu merci, nous la jugeons autrement que les fanatiques de la Commune. Le jour fatal où elle a arboré le drapeau de la guerre civile, tous les malheurs qu’elle a engendrés se sont basés sur un équivoque : les franchises communales ! Ces droits, ces franchises sont devenus le cri de l’insurrection ; or, comme il y a et aura toujours, dans toutes les grandes villes des hommes nés, voués et prêts à l’insurrection, Marseille n’a pas manqué de trouver dans son sein des bandes de misérables, de scélérats ; tous ne le sont pas, il y a des égarés, des ignorants. Les frapper sans pitié serait une monstruosité, une barbarie ; ils auraient le droit de dire en tombant : vous qui nous frappez, vous nous avez faits ce que nous sommes, des ignorants ! Dans tous ces malheurs publics il se trouve aussi des hommes toujours prêts à blâmer tout le monde, à railler tout le monde ; cela est dans notre nature, on est trop facilement brave après la bataille. [...]

La garde nationale était divisée ; Bouchet cherchait à l’unir. Le 23 mars, après avoir déposé sa démission entre les mains du Préfet, il est chargé, par le club de la garde nationale, d’aller à la Préfecture demander communication des dépêches. On les lui communique. En ce moment survient la bande Job, ce mulâtre ignoble qui vivait à Marseille de la traite des blanches. La préfecture est, prise en un clin-d’œil. Bouchet écrit un billet au Conseil municipal pour le supplier d’organiser au plus vite une commission provisoire. Le lendemain, il apprend à 9 heures du soir, qu’il est nommé membre d’une commission départementale ; il donne sa démission. Crémieux le supplie de la reprendre dans l’intérêt du salut public. Bouchet, qui tient plus à sa dignité qu’à sa vie, en fait le sacrifice : il reste.

Au club de la garde nationale, que fait-il ? Il déclare qu’il s’oppose à un mouvement insurrectionnel pareil à celui de Paris ; il n a que le mot conciliation, prudence à la bouche.

Enfin arrive la débâcle. Bouchet se sauve-t-il comme Landeck à Marseille ? Comme Pyat, Amouroux à Paris ? Non ! Il est à Embrun, son pays natal, à deux pas de la frontière d’Italie ; il apprend qu’il est poursuivi, il va au-devant des accusateurs, il vient les trouver, il leur demande des juges. Ainsi, tandis que les autres chefs d’insurgés qui avaient mérité le sac et la corde, pratiquaient la philosophie du chien de Jean de Nivelle, Bouchet allait au-devant de ses accusateurs. [...]

Me Laurier termine cette brillante plaidoirie par un appel émouvant aux juges de Bouchet et de ses co-accusés : « Prenez garde, il y a derrière vos fauteuils une voix sombre, qui crie comme à la Saint-Barthélemy : tue, tue toujours ! Dieu distinguera les siens ! Non, ajoute-t-il dans un cri superbe de miséricorde et d’indignation, Dieu ne distinguera pas les siens, s’ils sont frappés ici dans cette enceinte. Il finit ainsi ; prenez garde que la passion ne vous entraîne malgré vous ; et pour vous inspirer de l’amour de la justice, pour satisfaire votre conscience, méditez, songez aux belles paroles que nous avons lues dans ses livres : Enfin nous espérons que là où nous avons trouvé des juges, il y a des hommes justes [66]. »

Audience du 26 juin (soir) : réplique de Me Aicard à la plaidoirie de MLaurier

« Me Aicard termine en répondant à deux reproches : l’un est venu du ministère public, l’autre est parti de la barre elle-même. Je vais m’occuper de ce dernier, dit Me Aicard sans chercher à dissimuler l’impression pénible que j’ai pu ressentir.

On vous a dit dans un langage élégant et que j’aurais voulu admirer sans réserve, qu’il fallait tenir en suspicion tous ces faux amis du peuple qui étaient bien plutôt des amis de la popularité ; on ajoutait que lorsqu’on semais le vent, on récoltait la tempête.

C’est de Crémieux qu’on voulait parler, et c’est encore de lui qu’on voulait parler lorsqu’on vous a dit dans un bel élan d’indignation qu’il n’était qu’un démagogue sans influence dans son parti. Cela est dur, Messieurs, très dur.

Il me semblait que la position commandait un peu plus de générosité et peut-être même un peu plus de mémoire. On a oublié que c’est en 1869 que Crémieux commença à parler dans des réunions populaires et qu’il y venait à la suite de Gambetta ; c’est Crémieux qui a été chargé de déposer son serment, et lorsque le candidat fut atteint d’une angine, Crémieux prit sa place. À ce moment Crémieux semait non pas le vent mais le vote, et c’est un autre qui a récolté la moisson fécondée par une abondante pluie.

Et si plus tard Crémieux a trouvé qu’on pouvait être un brillant orateur, sans être nécessairement un grand général, ce n’est pas une raison de venir faire peser sur sa tête déjà si menacée une accusation injuste et redoutable [67]. »

Audience du 27 juin : Me Laurier répond à Me Aicard

Me Laurier. Messieurs, je viens encore vous entretenir quelques instants de Matheron. Mais auparavant, permettez-moi de vous dire un mot, un seul mot de l’accusé que je ne croyais pas trouver au procès et que je ne croyais pas avoir à défendre. Cet accusé, si vous voulez bien le permettre, c’est moi-même. J’ai été hier, de la part d’un de mes confrères, objet d’une espèce d’admonestation dans laquelle il entrait plus d’éloquence et d’aigreur que de confraternité.

Eh bien, messieurs, je ne veux pas me donner la satisfaction, qui serait peut-être facile pour moi et amusante pour l’auditoire, de rendre coup pour coup la pareille matière, je veux rester sous le coup de mon admiration émue. Oui, je dois le dire, la réplique de Me Aicard a été admirable, en pareille matière j’aime mieux avoir reçu les coups que de les avoir donnés et, dans tous les cas, je ne les rendrai pas. En tout cas aussi je ne voudrai pas que mon confrère, pour qui j’ai une profonde estime, que M. Crémieux, qui était aussi mon confrère et qui certainement le redeviendra un jour, puisse croire que moi, qui n’ai jamais accusé de ma vie, moi, dont le métier est de défendre et sera toujours de défendre, j’aie voulu à un titre quelconque aggraver la situation d’un accusé ; non, ceci est loin de mes habitudes, et pour ceux qui me connaissent, cela est encore plus loin de mon caractère. Ce que j’ai voulu mettre en relief dans ma plaidoirie, et en cela j’étais dans mon rôle, c’est une différence de condition peu contestable entre Crémieux et Bouchet. Il est possible qu’à un moment donné, emporté par l’imagination, trahi par la parole, j’ai porté un coup plus vif que je n’aurais voulu. C’est possible, cela arrive à tous ceux qui parlent, cela arrive même à ceux qui ne parlent pas, mais je crois pouvoir faire appel à vos souvenirs, comme je fais appel aux miens en disant que je n’ai pas dépassé la mesure.

Mon honorable contradicteur a attribué à Crémieux quelque chose qui ne s’adressait pas à lui, les paroles que j’ai dites à propos des démagogues. Ce que que j’ai dit, je l’ai dit en souvenir de ce qui s’est passé dans certains clubs et dans certaines réunions publiques, non pas à Marseille, mais à Paris. Ceux que je disais, les démagogues que je flétrissais c’étaient ceux-là et non pas Crémieux, qui peut bien avoir une exagération d’opinion mauvaise, mais qui n’a rien du démagogue en ce qu’il n’est jamais le maître de son auditoire, en ce que son talent, car il a un talent très-réel, a un caractère élégant et féminin qui n’a rien de commun avec ce qui constitue le démagogue.

Ceci dit, et quand j’aurai ajouté qu’on ne peut pas contenter tout le monde et son confère, j’espère que ma paix sera faite.

J’ajouterai que ce qui a été dit des relations de Crémieux avec Gambetta et parfaitement exact. J’en ai la preuve entre les mains. Oui, Crémieux a rendu des services à Gambetta qui, en toute occasion, lui a a témoigné sa reconnaissance, et, s’il fallait cette attestation de l’ancien ministre et membre du gouvernement de la défense nationale, elle lui est, dès à présent, toute acquise [68]. »

L’avocat Brutus Paul Émile Bouchet (1840-1915), ancien substitut du procureur de la République et participant aux débuts de la Commune de Marseille en mars 1871, écrit la même année au Conseil de discipline des avocats de Marseille pour demander sa réintégration au barreau de la ville. Se défendant dans sa lettre du rôle de meneur qui a pu lui être attribué, il esquive ses responsabilités, dénonce le comporte­ment exalté des occupants de la préfecture et met en avant le rôle conciliateur et modérateur qu’il a tenu dans ce « mouve­ment mal défini » dont il s’est désolidarisé avant son terme. Au-delà de ses accusations et dénigrements, sa lettre est un document important à verser à l’histoire de la Commune de Marseille, écrit à chaud par un de ses acteurs qui connaîtra ensuite un itinéraire assez mouvementé : acquitté par le Conseil de guerre pour sa participation à la Commune de Marseille mais rejeté par le barreau local, il sera élu député des Bouches-du-Rhône dès 1872 avant qu’une autre affaire, financière, mette fin à son troisième mandat.

Diaporama

© Assemblée nationale Conservé à la bibliothèque de l'Alcazar à Marseille, Fonds patrimoniaux n°1409.

[1Émile Bouchet, à MM. les membres du Conseil de discipline des avocats de Marseille, Marseille, Imprimerie T. Samat, [1871]. Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille, fonds patrimoniaux, n°1409.

[2Charles Cartoux, Au public marseillais, au Conseil de guerre siégeant à Marseille, Barcelone, Typographie de Narcisse Ramirez et Cie, [1871].

[3Bernard Landeck, Un calomnié de la Commune. À Monsieur Clovis Hugues, député des Bouches-du-Rhône, Paris, 1884, chez l’auteur.

[4Émile Bouchet, à MM. les membres du Conseil de discipline des avocats de Marseille, Marseille, Imprimerie T. Samat, [1871]. Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille, fonds patrimoniaux, n°1409.

[5Charles Cartoux, Au public marseillais, au Conseil de guerre siégeant à Marseille, Barcelone, Typographie de Narcisse Ramirez et Cie, [1871].

[6Bernard Landeck, Un calomnié de la Commune. À Monsieur Clovis Hugues, député des Bouches-du-Rhône, Paris, 1884, chez l’auteur.

[7État civil d’Embrun, Archives départementales des Basses-Alpes, en ligne. Ces précisions sur la naissance de Bouchet, de même que celles sur son décès et d’autres informations qui seront citées, complètent les notices biographiques qui lui sont consacrées dans Roger Vignaud, La Commune de Marseille. Dictionnaire, Aix-en-Provence, Edisud, p. 66, et dans le Maitron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier initié par Jean Maitron et aujourd’hui en ligne : https://maitron.fr/spip.php?article146216

[8Paul-Émile Bouchet sur le site de l’Assemblée nationale, dans la base de données Sycomore des anciens députés : https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/1015

[9L’Indicateur marseillais pour l’année 1867, p. 390.

[10AD BdR 1 M 638 : Association phocéenne, comité 1868 : Gérard, Vieux, Grave, Delpech, Maurel, Nobel, Tardif, Mourgues, Brochier, Pillard, Roger, Bouchet, Crémieux, Bauby, Gerniette, D’Orguinetti.

[11Souscription en vue d’ériger un monument pour le député Alphonse Baudin, tué en 1851 par un tir de soldat sur les barricades où il était venu soutenir des ouvriers.

[12Le Sémaphore de Marseille, 18 avril 1869.

[13Le Sémaphore de Marseille, 24 et 26 avril 1870.

[14L’Égalité, n°1, 1er mai 1871 : « Ont signé par délégation du Comité : Blanc Nicolas, portefaix ; Bouchet Émile, avocat ; Brives, décorateur ; Brochier, ingénieur civil ; Crawe, architecte ; Crémieux, avocat ; Eyriès N., maçon ; Fabre Théophile, professeur de mathématiques ; Gustave Naquet, rédacteur en chef du Peuple ; Maurin Louis, portefaix ; Roger Jean, boulanger ; Sanguinetti B., conducteur de travaux ; J.-L. Noble.

[15Le Sémaphore de Marseille, 19-20 juin 1870.

[16AD BdR 2 R 519, jugement collectif n°63 des 27 et 28 août 1870 : séance du 27 août (suite).

[17Idem, AD BdR 2 R 519 : après avoir, le 27 août 1870, renvoyé des fins de la plainte sept prévenus : Charles Alerini, Joseph Castagne, Hardy, Auguste Lafaye, Célestin Matheron, François Onkelinx et Jean-Baptiste Pillard, le même Conseil de guerre condamna le lendemain : Eugène Barthélemy, Pierre Bernard, Philibert Gilbert, Paul Giraut-Cabasse, Joseph Maviel et Joseph Tardif à un mois de prison ; Esprit Tourniaire, à trois mois ; Gaston Crémieux, Auguste Sorbier, Victor Bosc et Étienne Combe à six mois ; Frédéric Borde, à huit mois ; Auguste Conteville, à un an et Félix Debray, à deux ans de prison.

[18Journal officiel de la République française du 9 septembre 1870, décret du 8 septembre du Gouvernement de la défense nationale nommant Jules Maurel, procureur de la République du Tribunal de 1ere instance de Marseille, en remplacement de M. Crépon, et trois substituts du procureur de la République : Émile Bouchet, avocat à Marseille, en remplacement M. Sauvé, Laurens, substitut à Embrun et Charles Beer, avocat à Paris.

[19L’Égalité publia le 24 mars 1871 la lettre de démission de Bouchet de son poste de substitut du procureur de la République.

[20On peut supposer qu’il s’agit de Gaston Crémieux dont « l’élégance et le style » ainsi que le talent oratoire avaient déjà été soulignés par le journaliste Marius Carbonel dans Le Petit Marseillais du 17 août 1869, et auquel plus tard Lissagaray attribuera aussi une « parole élégante et féminine » : Pierre-Ollivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, La Découverte, 2000, p. 165.

[21« Aux citoyens conseillers municipaux de Marseille. La préfecture est envahie, le calme est maintenu, venez au plus tôt pour nous aider à constituer une administration provisoire dans l’intérêt public. Crémieux, Bouchet. » Arch. municipales de Marseille : 1 D 103, Délibération du Conseil municipal du 23 mars 1871, en ligne.

[22Claire Villemagne, « Du Tonkin des pionniers à la mise en valeur de l’Indochine. Le symbole de « l’affaire Dupuis » (1872-1912) », in Outre-mers, tome 99, n°376-377, 2012, p. 164. Article en ligne

[23Affaire du Mouvement insurrectionnel du 4 avril 1871 à Marseille - Conseil de guerre de la 9e division militaire, siégeant à MarseilleMarseille, Imprimerie T. Samat, 1871, p. 37.

[24Ugo Bellagamba, Les avocats à Marseille : praticiens du droit et acteurs politiques (XVIIIe-XIXe siècle), Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2001, p. 461.

[25Idem, p. 462.

[26Le 23 mars au matin, le contre-amiral Cosnier, Préfet des BdR, craignant une manifestation en faveur de Paris après le discours de Gaston Crémieux la veille à l’Eldorado, avait fait battre le rappel de la Garde nationale afin d’organiser une contre manifestation en faveur de Versailles. Dans sa lettre Bouchet ne parle pas de ce discours de Crémieux motivé lui aussi par son indignation à la lecture de la dépêche de Thiers favorable aux anciens notables de l’Empire.

[27Les italiques sont dans le texte. MB

[28 Bouchet ne cite ici que six des douze membres de la Commission départementale, omettant les trois représentants de du Club républicain du Midi, Gaston Crémieux, Auguste Étienne père, et Joseph Job, ainsi que ceux du Comité des réunions populaires : Joseph Maviel, Charles Alerini, et Firmin Guilhard. MB

[29Il s’agissait, à la demande du Conseil municipal, de remplacer le drapeau rouge qui flottait au fronton de la préfecture par le drapeau tricolore ; mais il fut remplacé par un drapeau noir, en signe de deuil, dira un communiqué de la Commission départementale du 28 mars, publié dans l’Égalité du 31 mars 1871. MB

[30Cette note a en effet publiée au moins dans L’Égalité du 25 mars 1871. MB.

[31À ce moment là, Charles Cartoux, le troisième délégué du Club républicain de la garde nationale, était absent de Marseille ; il s’était rendu à Paris pour s’informer sur la situation qui y régnait. MB

[32L’Égalité, 31 mars 1871.

[33AD BdR 2 R 520, jugement n°63, numéro d’ordre 11024 : Affaire Crémieux et autres.

[34L’Égalité, 25 mars 1871.

[35AD BdR 2 R 520, op. cit.

[36Arch. Départementales des BdR : 2 R 520, op. cit.

[37Le Petit Marseillais, 12 novembre 1871.

[38En 1874, David Bosc sera jugé et acquitté pour une autre affaire que Bouchet lui-même évoquera lorsqu’il sera député, voir infra.

[39AD des BdR 2 R 520, op. cit. Outre les trois condamnations à mort et les six acquittements cités, le conseil de guerre siégeant à Marseille prononça aussi le 28 juin 1871 à l’unanimité cinq condamnations à la peine de déportation dans une enceinte fortifiée : Breton, Chachuat, Duclos, Martin et Nastorg ; une condamnation à la peine de dix ans de travaux forcés : Novi ; une condamnation à la peine de cinq ans de travaux forcés : Bauche ; et une condamnation à la peine de dix ans de détention : Éberard.

[40Le Petit Marseillais, 9-10 octobre 1871.

[41Le Conseil de guerre siégeant à Marseille avait prononcé, en procès contradictoires, quatre condamnations à la peine de mort à l’encontre de participants à la Commune de mars-avril 1871 : Gaston Crémieux, Auguste Étienne et Alphonse Pélissier le 28 juin 1871 et Jean-Baptiste Roux le 2 août 1871. Cf, leurs notices dans le Maitron en ligne.

[42Le Petit Marseillais, 23 novembre 1871.

[43Lors de sa séance du 15 juillet 1871, le Conseil de l’ordre des avocats de Marseille fit part d’une lettre de Gaston Crémieux remerciant ses anciens confrères des marques de sympathies qu’ils lui ont données : Ugo Bellagamba, das Les avocats à Marseille : op. cit., p. 476.

[44La peine de mort d’Auguste Étienne et d’Alphonse Pélissier fut commuée en déportation, celle de Jean-Baptiste Roux en travaux forcés ; les trois furent déportés en Nouvelle-Calédonie puis amnistiés. Cf, leurs notices dans le Maitron en ligne.

[45Le Petit Marseillais, 9 janvier 1872

[46Ugo Bellagamba, Les avocats à Marseille : op. cit., p. 473.

[47Ugo Bellagamba, Les avocats à Marseille : op. cit., p. 475.

[48JORF (Journal Officiel de la République française), 21 décembre 1875, pp. 16065-16069.

[49JORF, 20 mai 1876, p. 3459.

[50David Bosc était né à Nîmes comme son frère Adolphe Jacques Bosc qui resta dans cette ville et fut élu député du Gard en 1879. MB.

[51JORF, 22 février 1879, p. 1319.

[52Manque référence

[53JORF, 22 février 1879, p. 1324.

[54JORF, 5 mars 1879, p. 1673.

[55JORF, 22 juin 1880, p. 6842 : débats de l’Assemblée nationale du 21 juin.

[56JORF, 11 juillet 1880, p. 7905.

[57Le Droit, 14 et 21 septembre 1884.

[58Paul-Émile Bouchet sur le site de l’Assemblée nationale, dans la base de données Sycomore des anciens députés : https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/1015

[59Claire Villemagne, « Du Tonkin des pionniers à la mise en valeur de l’Indochine. Le symbole de « l’affaire Dupuis » (1872-1912) », in Outre-mers, tome 99, n°376-377, 2012, p. 164, note 4. Article en ligne

[60État civil du Vésinet, Arch. départementales des Yvelines, en ligne.

[61Arch. départementales des BdR 2 R 520, op. cit.

[62Affaire du Mouvement insurrectionnel du 4 avril 1871 à Marseille : Conseil de Guerre de la 9e division militaire, siégeant à Marseille, Marseille, Imprimerie T. Samat, 1871, 138 pages.

[63André Chauvin, ouvrier du port, membre de l’Internationale ; participant à la Commune de Marseille, il sera condamné le 16 septembre 1871 à quatre ans de prison. MB, d’après sa notice dans le Maitron en ligne.

[64Edmond Mégy, autre membre de l’Internationale, participant à la Commune de Marseille puis de Paris, il sera condamné à mort par contumace. MB, d’après sa notice dans le Maitron en ligne.

[65Le Petit Marseillais, 15 juin 1871.

[66Le Petit Marseillais, 23 juin 1871.

[67Le Sémaphore de Marseille, 27 juin 1871.

[68Le Sémaphore de Marseille, 28 juin 1871.

Mise à jour :mercredi 30 avril 2025
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