Marseille 1871 : une autre Commune
Marseille 1871 : une autre Commune
Le Monde illustré, 8 juillet 1871.
Carte postale ancienne

Émile Bouchet (1840-1915)

Annexe II : Émile Bouchet et son défenseur Clément Laurier devant le conseil de guerre : Audience du 13 juin 1871 (soir) : Interrogatoire de Bouchet

Les Voix du peuple (1868). Impressions d’un condamné à mort (1871)

Émile Bouchet et son défenseur Maître Clément Laurier devant le Conseil de guerre en juin 1871

S’il n’existe pas, à ma connaissance, un rapport « officiel », rédigé par le greffier, des audiences du procès de dix-sept protagonistes, dont Émile Bouchet, de la Commune de Marseille, on dispose en revanche du dossier de procédure de ce procès (conservé aux Archives départementales [1]), et de plusieurs sources qui ont rendu compte de l’ensemble de ses audiences. Des journaux locaux tels que L’Égalité, le Sémaphore de Marseille ou Le Petit Marseillais, mais aussi des journaux parisiens spécialisés, Le Droit, ou La Gazette des tribunaux, rendirent compte des audiences de ce procès en son temps, tandis qu’une brochure publiée dès 1871 les rassembla après leur clotûre [2]. Si ces différentes sources s’accordent sur le contenu général des audiences, elles en offrent des comptes-rendus plus ou moins détaillés et commentés. Ceux cités ici sont empruntés au Petit Marseillais ou au Sémaphore de Marseille, les deux seuls journaux locaux de cette époque à avoir été numérisés par la Bibliothèque nationale et mis en ligne sur le site de Retronews

Audience du 13 juin 1871 (soir) : Interrogatoire de Bouchet (extraits) 

« Tout d’abord, Bouchet déclare que le fond de ses convictions républicaines et ses principes sont tout à fait contraires à tous les actes dans lesquels il se trouve impliqué. Comme preuve qu’il n’était pas disposé à participer au moindre mouvement insurrectionnel, il cite sa conduite dans les deux premières séances incriminées de l’Eldorado, où il est établi qu’il a tout fait pour concilier, pacifier et empêcher de bruyantes manifestations.

C’est la dépêche malencontreuse de M. Thiers qui, dit-il, lui inspira la pensée de donner sa démission, il ne s’est décidé que le lendemain, en entendant battre le rappel, qui avait pour but, lui avait-on dit, de faire faire par la garde nationale une manifestation en faveur du gouvernement de Versailles, qui par son maladroit télégramme venait de froisser tant de sincères convictions. [...]

Bouchet se défend d’avoir pris une part quelconque dans la composition de la Commission départementale ; il n’est même pas entré dans la salle. Son nom a été mis sur la liste des membres de la commission le lendemain de sa formation, et à son insu. Quand ses amis lui apprirent sa nomination, il ne crut pas possible de la refuser.

Bouchet, en sa qualité de membre de la Commission, ayant fait rendre la liberté au capitaine Roussier, qui avait été illégalement arrêté, les forcenés de la préfecture envahirent la salle ou il se trouvait et là il fut l’objet de quelques violences. [...]

L’accusé poursuivant le récit des événements qui se succédaient entre dans de très longs détails sur les moindres de ses actes ; il tient à établir combien il était éloigné de ces idées insurrectionnelles qui lui sont reprochées. Le milieu dans lequel il se trouvait à la Préfecture lui inspirait le plus profond dégoût. Ce milieu, dit-il, n’était-il pas, en effet, de nature à inspirer le plus profond dégoût à un cœur honnête quand on pense que, dix minutes après l’envahissement de la préfecture, les billes du billard même avaient été enlevées.

Cédant aux obsessions de ses amis après avoir donné sa démission il retourna le 26 à la Préfecture, mais non sans avoir formulé son consentement dans les termes consignés dans le rapport. « J’aimerai mieux sacrifier ma vie que ma dignité ; vous me demandez de fouler aux pieds celle-ci... Soit, j’accepte au nom de la République, et pour elle !... » [...]

C’est l’arrivée solennelle de la députation de Paris qui décida Bouchet à se retirer définitivement, la figure de Landeck surtout lui déplaisait souverainement.

Bouchet explique la part qu’il a prise aux différentes grèves de Marseille. Son intervention, dit-il, a toujours été une mission de conciliation et il termine en appelant l’attention du conseil sur l’étrange anomalie de sa situation.

« C’est, en effet, une étrange anomalie, réplique M. le Président, de trouver un homme intelligent comme lui au milieu de ces hommes avinés, disons le mot, et de subir leur pression. Vous, homme intelligent, qui condamniez à l’avance ce mouvement, ces actes, et qui les condamniez si énergiquement, que ne sortiez-vous de ce milieu, que ne disiez-vous à ces hommes en vous retirant : Nous ne pouvons pas pactiser avec vous, nous, honnêtes gens, nous ne saurions subir plus longtemps votre dictature. »

La séance est suspendue 10 minutes, elle est reprise à 4 heures 3/4.

M. le président demande à Bouchet s’il a assisté à la séance de l’Eldorado et s’il se rappelle les paroles prononcées par Crémieux.

Non, Monsieur le Président, je ne puis me souvenir de ces paroles, mais je puis vous affirmer que, les appréciant, en sortant de la salle, je dis à Crémieux : vous avez été très modéré, dans un langage bien violent. 

Le président demande à M. Bouchet s’il se rappelle que Crémieux ait dit à l’Eldorado : Vive Paris. Vous souvenez-vous avoir entendu Crémieux prononcer ces paroles : « Quel est le gouvernement que vous reconnaissez comme légal ? Est-ce Paris, est-ce Versailles ? Je viens vous demander un serment, c’est celui de détendre le gouvernement de Paris par tous les moyens possibles. »

Je ne puis me le rappeler, Monsieur le Président, je ne me souviens que de quelques paroles, celles dans lesquelles Crémieux emploie l’image de la béquille.

La phrase dont vous vous rappelez aurait dû vous éclairer

Je ne puis vous répondre, Monsieur le Président, sans empiéter sur les droits de la défense de M. Crémieux.

Vous avez assisté à la séance de l’Eldorado et vous avez conservé votre illusion ?

Me Laurier demande s’il n’y a pas eu deux discours ce soir là. 

Non, non, répond M. le président, c’est le même discours, il n’y en a eu qu’un.

Me Aycard, défenseur de Crémieux, demande à ce qu’il soit établi s’il y a eu deux discours. M. Bouchet répond qu il est arrivé à l’Eldorado après Crémieux et qu’il ne peut répondre.

Avez-vous pris part à la confection de la liste des membres de la Commission départementale ? demande M. le Président. Non, répond Bouchet.

Mais vous en avez fait partie ?

Oui, Monsieur, mais j’ai été nommé à neuf heures du soir, et j’ai cru devoir accepter par dévouement, par amour de l’ordre. Je fais remarquer au Conseil que j’étais chez mon vieux père à Embrun, lorsque j’ai appris que j’étais décrété en état d’arrestation. Je n’ai pas fui : je suis venu me constituer prisonnier au fort Saint-Nicolas, lorsque j’étais à dix lieues de la frontière, et qu’au lieu de prendre le chemin de l’étranger, je suis venu me mettre à la disposition de la justice pour qu’elle éclaire ma conduite.

Après avoir fourni des réponses à toutes les interrogations de M. le Président, l’accusé Bouchet s’écrie : Savez-vous ce qui m’a le plus éprouvé en acceptant le mandat d’être de la Commission ? Ce n’était pas le sacrifice de ma vie, mais le sacrifice de ma réputation. Je crois, sans présomption, que je jouissais dans notre ville d’une certaine notoriété.

M. le Président fait observer à l’accusé qu’il était toujours magistrat, puisque sa démission n’était pas encore acceptée.

M. Bouchet demande au Conseil la permission de présenter une réfutation qu’il qualifie lui-même de triviale ; il n’a touché, dit-il, son traitement que jusqu’au 22 au soir, donc, ma démission date de ce jour-là. Ma conduite, ajoute-t-il, a toujours été de donner une apparence de légalité à toutes les illégalités qui se produisaient ; mais c’était une situation impossible qu’il fallait accepter comme un devoir et en conscience. Je croyais faire le bien.

Comment se fait-il que vous, magistrat, vous ayez voulu légaliser le mépris de la loi. Mais c’était là une faute !

Non, monsieur le Président, c’était pour neutraliser les effets funestes de la Commission. Mon dévouement a duré autant que mes illusions. Je croyais pouvoir arriver à une solution pacifique, mais lorsque mes illusions ont été détruites, je me suis retiré.

Dans ses observations, M. le président fait remarquer que par son intelligence il ne devait pas obéir aux hommes qui dirigeaient le mouvement, mais les dominer ?

Je ne me suis jeté dans cette foule que pour cela, mais après tous mes efforts je n’ai pu réussir dans l’accomplissement du devoir de conscience que je m’étais imposé.

Je vous reproche, dit M. le Président, de ne pas avoir donné une démission éclatante et de ne pas avoir rompu avec l’affreux parti des hommes de Paris.

Une démission éclatante, répond l’accusé, m’aurait valu un piédestal ; je ne les aime pas.

J’ai vu de vous une lettre apostillée favorablement pour M. Chauvin [3].

Je n’ai connu autrement Chauvin que par le fait d’une entrevue administrative.

Avez vous connu Mégy [4] ?

— Très peu, Monsieur, mes rapports avec lui ont été nuls, je puis même dire ne jamais lui avoir adressé la parole [5]... »

Audience du 23 juin (matin). Me Laurier a la parole pour Bouchet

Me Laurier commence sa plaidoirie par une peinture émouvante, par un tableau sinistre des malheurs qui affligent la France. [...]

À l’homme héroïque qui a défendu son pays d’une façon vaillante pendant la dernière guerre et qui le défend encore en ce moment devant les monarchistes, nous ne craignons pas de parler avec toute la sincérité de notre cœur.

Dans ce procès, vous relevez contre mon client, Bouchet, quatre faits principaux ; vous les cueillez dans la procédure et vous ne voyez pas que vous commettez une erreur de logique considérable ; peut-être commettrez-vous involontairement une erreur de justice. Songez à ce mot, une erreur de justice ! Et bien, qu’il nous soit permis de vous rappeler cette maxime de tous les hommes justes, de toutes les nations civilisées : il faut juger humainement les choses humaines. Dans tous les codes elle s’y trouve gravée ; elle est aussi enseignée depuis le commencement des siècles par ce professeur de tous les professeurs : le bon sens.

Voilà le principe fondamental de la défense : Bouchet a-t-il commis un crime de forfaiture ? Est-on insurgé malgré soi ? Dans l’accusation les réticences ne sont pas rares, les mensonges non plus. Afin de vous le prouver nous allons prendre les faits un à un, les enchaîner, les coordonner, les commenter.

De l’accusation il ressort ceci : 1. Avant l’arrivée des délégués de Paris, Bouchet est responsable. 2. Après leur arrivée il est irresponsable.

Suivant les faits ; le jour où la Commune de Paris s’imaginait qu’elle avait le droit de faire la loi à la France rurale, elle n’avait qu’un moyen de se soutenir, de se sauver, c’était de savoir être la minorité.

Nous non plus, nous ne sommes pas avec la France rurale, mais Dieu merci, nous la jugeons autrement que les fanatiques de la Commune. Le jour fatal où elle a arboré le drapeau de la guerre civile, tous les malheurs qu’elle a engendrés se sont basés sur un équivoque : les franchises communales ! Ces droits, ces franchises sont devenus le cri de l’insurrection ; or, comme il y a et aura toujours, dans toutes les grandes villes des hommes nés, voués et prêts à l’insurrection, Marseille n’a pas manqué de trouver dans son sein des bandes de misérables, de scélérats ; tous ne le sont pas, il y a des égarés, des ignorants. Les frapper sans pitié serait une monstruosité, une barbarie ; ils auraient le droit de dire en tombant : vous qui nous frappez, vous nous avez faits ce que nous sommes, des ignorants ! Dans tous ces malheurs publics il se trouve aussi des hommes toujours prêts à blâmer tout le monde, à railler tout le monde ; cela est dans notre nature, on est trop facilement brave après la bataille. [...]

La garde nationale était divisée ; Bouchet cherchait à l’unir. Le 23 mars, après avoir déposé sa démission entre les mains du Préfet, il est chargé, par le club de la garde nationale, d’aller à la Préfecture demander communication des dépêches. On les lui communique. En ce moment survient la bande Job, ce mulâtre ignoble qui vivait à Marseille de la traite des blanches. La préfecture est, prise en un clin-d’œil. Bouchet écrit un billet au Conseil municipal pour le supplier d’organiser au plus vite une commission provisoire. Le lendemain, il apprend à 9 heures du soir, qu’il est nommé membre d’une commission départementale ; il donne sa démission. Crémieux le supplie de la reprendre dans l’intérêt du salut public. Bouchet, qui tient plus à sa dignité qu’à sa vie, en fait le sacrifice : il reste.

Au club de la garde nationale, que fait-il ? Il déclare qu’il s’oppose à un mouvement insurrectionnel pareil à celui de Paris ; il n a que le mot conciliation, prudence à la bouche.

Enfin arrive la débâcle. Bouchet se sauve-t-il comme Landeck à Marseille ? Comme Pyat, Amouroux à Paris ? Non ! Il est à Embrun, son pays natal, à deux pas de la frontière d’Italie ; il apprend qu’il est poursuivi, il va au-devant des accusateurs, il vient les trouver, il leur demande des juges. Ainsi, tandis que les autres chefs d’insurgés qui avaient mérité le sac et la corde, pratiquaient la philosophie du chien de Jean de Nivelle, Bouchet allait au-devant de ses accusateurs. [...]

Me Laurier termine cette brillante plaidoirie par un appel émouvant aux juges de Bouchet et de ses co-accusés : « Prenez garde, il y a derrière vos fauteuils une voix sombre, qui crie comme à la Saint-Barthélemy : tue, tue toujours ! Dieu distinguera les siens ! Non, ajoute-t-il dans un cri superbe de miséricorde et d’indignation, Dieu ne distinguera pas les siens, s’ils sont frappés ici dans cette enceinte. Il finit ainsi ; prenez garde que la passion ne vous entraîne malgré vous ; et pour vous inspirer de l’amour de la justice, pour satisfaire votre conscience, méditez, songez aux belles paroles que nous avons lues dans ses livres : Enfin nous espérons que là où nous avons trouvé des juges, il y a des hommes justes [6]. »

Audience du 26 juin (soir) : réplique de Me Aicard à la plaidoirie de MLaurier

« Me Aicard termine en répondant à deux reproches : l’un est venu du ministère public, l’autre est parti de la barre elle-même. Je vais m’occuper de ce dernier, dit Me Aicard sans chercher à dissimuler l’impression pénible que j’ai pu ressentir.

On vous a dit dans un langage élégant et que j’aurais voulu admirer sans réserve, qu’il fallait tenir en suspicion tous ces faux amis du peuple qui étaient bien plutôt des amis de la popularité ; on ajoutait que lorsqu’on semais le vent, on récoltait la tempête.

C’est de Crémieux qu’on voulait parler, et c’est encore de lui qu’on voulait parler lorsqu’on vous a dit dans un bel élan d’indignation qu’il n’était qu’un démagogue sans influence dans son parti. Cela est dur, Messieurs, très dur.

Il me semblait que la position commandait un peu plus de générosité et peut-être même un peu plus de mémoire. On a oublié que c’est en 1869 que Crémieux commença à parler dans des réunions populaires et qu’il y venait à la suite de Gambetta ; c’est Crémieux qui a été chargé de déposer son serment, et lorsque le candidat fut atteint d’une angine, Crémieux prit sa place. À ce moment Crémieux semait non pas le vent mais le vote, et c’est un autre qui a récolté la moisson fécondée par une abondante pluie.

Et si plus tard Crémieux a trouvé qu’on pouvait être un brillant orateur, sans être nécessairement un grand général, ce n’est pas une raison de venir faire peser sur sa tête déjà si menacée une accusation injuste et redoutable [7]. »

Audience du 27 juin : Me Laurier répond à Me Aicard

Me Laurier. Messieurs, je viens encore vous entretenir quelques instants de Matheron. Mais auparavant, permettez-moi de vous dire un mot, un seul mot de l’accusé que je ne croyais pas trouver au procès et que je ne croyais pas avoir à défendre. Cet accusé, si vous voulez bien le permettre, c’est moi-même. J’ai été hier, de la part d’un de mes confrères, objet d’une espèce d’admonestation dans laquelle il entrait plus d’éloquence et d’aigreur que de confraternité.

Eh bien, messieurs, je ne veux pas me donner la satisfaction, qui serait peut-être facile pour moi et amusante pour l’auditoire, de rendre coup pour coup la pareille matière, je veux rester sous le coup de mon admiration émue. Oui, je dois le dire, la réplique de Me Aicard a été admirable, en pareille matière j’aime mieux avoir reçu les coups que de les avoir donnés et, dans tous les cas, je ne les rendrai pas. En tout cas aussi je ne voudrai pas que mon confrère, pour qui j’ai une profonde estime, que M. Crémieux, qui était aussi mon confrère et qui certainement le redeviendra un jour, puisse croire que moi, qui n’ai jamais accusé de ma vie, moi, dont le métier est de défendre et sera toujours de défendre, j’aie voulu à un titre quelconque aggraver la situation d’un accusé ; non, ceci est loin de mes habitudes, et pour ceux qui me connaissent, cela est encore plus loin de mon caractère. Ce que j’ai voulu mettre en relief dans ma plaidoirie, et en cela j’étais dans mon rôle, c’est une différence de condition peu contestable entre Crémieux et Bouchet. Il est possible qu’à un moment donné, emporté par l’imagination, trahi par la parole, j’ai porté un coup plus vif que je n’aurais voulu. C’est possible, cela arrive à tous ceux qui parlent, cela arrive même à ceux qui ne parlent pas, mais je crois pouvoir faire appel à vos souvenirs, comme je fais appel aux miens en disant que je n’ai pas dépassé la mesure.

Mon honorable contradicteur a attribué à Crémieux quelque chose qui ne s’adressait pas à lui, les paroles que j’ai dites à propos des démagogues. Ce que que j’ai dit, je l’ai dit en souvenir de ce qui s’est passé dans certains clubs et dans certaines réunions publiques, non pas à Marseille, mais à Paris. Ceux que je disais, les démagogues que je flétrissais c’étaient ceux-là et non pas Crémieux, qui peut bien avoir une exagération d’opinion mauvaise, mais qui n’a rien du démagogue en ce qu’il n’est jamais le maître de son auditoire, en ce que son talent, car il a un talent très-réel, a un caractère élégant et féminin qui n’a rien de commun avec ce qui constitue le démagogue.

Ceci dit, et quand j’aurai ajouté qu’on ne peut pas contenter tout le monde et son confère, j’espère que ma paix sera faite.

J’ajouterai que ce qui a été dit des relations de Crémieux avec Gambetta et parfaitement exact. J’en ai la preuve entre les mains. Oui, Crémieux a rendu des services à Gambetta qui, en toute occasion, lui a a témoigné sa reconnaissance, et, s’il fallait cette attestation de l’ancien ministre et membre du gouvernement de la défense nationale, elle lui est, dès à présent, toute acquise [8]. »

L’avocat Brutus Paul Émile Bouchet (1840-1915), ancien substitut du procureur de la République et participant aux débuts de la Commune de Marseille en mars 1871, écrit la même année au Conseil de discipline des avocats de Marseille pour demander sa réintégration au barreau de la ville. Se défendant dans sa lettre du rôle de meneur qui a pu lui être attribué, il esquive ses responsabilités, dénonce le comporte­ment exalté des occupants de la préfecture et met en avant le rôle conciliateur et modérateur qu’il a tenu dans ce « mouve­ment mal défini » dont il s’est désolidarisé avant son terme. Au-delà de ses accusations et dénigrements, sa lettre est un document important à verser à l’histoire de la Commune de Marseille, écrit à chaud par un de ses acteurs qui connaîtra ensuite un itinéraire assez mouvementé : acquitté par le Conseil de guerre pour sa participation à la Commune de Marseille mais rejeté par le barreau local, il sera élu député des Bouches-du-Rhône dès 1872 avant qu’une autre affaire, financière, mette fin à son troisième mandat.

[1Arch. départementales des BdR 2 R 520, op. cit.

[2Affaire du Mouvement insurrectionnel du 4 avril 1871 à Marseille : Conseil de Guerre de la 9e division militaire, siégeant à Marseille, Marseille, Imprimerie T. Samat, 1871, 138 pages.

[3André Chauvin, ouvrier du port, membre de l’Internationale ; participant à la Commune de Marseille, il sera condamné le 16 septembre 1871 à quatre ans de prison. MB, d’après sa notice dans le Maitron en ligne.

[4Edmond Mégy, autre membre de l’Internationale, participant à la Commune de Marseille puis de Paris, il sera condamné à mort par contumace. MB, d’après sa notice dans le Maitron en ligne.

[5Le Petit Marseillais, 15 juin 1871.

[6Le Petit Marseillais, 23 juin 1871.

[7Le Sémaphore de Marseille, 27 juin 1871.

[8Le Sémaphore de Marseille, 28 juin 1871.

Mise à jour :mercredi 30 avril 2025
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