Les Voix du peuple (1868). Impressions d’un condamné à mort (1871)
Encore en exil en Espagne,
C’est le journal L’Égalité qui l’avait inscrit, en son absence, en tête de sa liste de candidats du Comité central républicain pour les élections des Conseils généraux et d’arrondissements ; le 8 octobre 1871 Charles Cartoux était élu à une écrasante majorité conseiller général du premier canton de Marseille (quartier Belsunce) avec 2681 voix, contre 797 pour son adversaire Émile Duclos [2]. Quatre autres candidats de l’Égalité, notamment Émile
Concernant son retour à Marseille, Cartoux l’avait annoncé par une lettre adressée au colonel Thomassin, président du Conseil de guerre à Marseille, auquel il avait aussi déjà fait parvenir un exemplaire de son mémoire. Lui faisant savoir qu’il ne craint plus à présent une prévention dont il redoutait auparavant les effets, il laisse peut-être entendre qu’il savait d’ores et déjà qu’il ne serait pas écroué.
Le 5 novembre 1871, la presse marseillaise signalait que Cartoux était de retour dans la ville depuis quelques jours ; s’étant présenté à la justice militaire, il avait été laissé en liberté provisoire et avait espoir qu’une ordonnance de non-lieu serait rendue en sa faveur [4]. Quelque jours plus tard la même presse annonçait qu’il avait bénéficié d’un non-lieu le 11 novembre 1871 [5].
Ainsi se clôturait, sans condamnation aucune, l’épisode de l’engagement de Charles Cartoux dans la Commune marseillaise de mars 1871. Sa démission des fonctions de conseiller général auxquelles il avait été brillamment élu, l’auréola d’une certaine modestie dont il fera encore preuve en politique quelques années plus tard.
Pour l’heure, après sa démission et son non-lieu, Cartoux retourna travailler à la Compagnie des chemins de fer du Midi et s’engagea parallèlement dans diverses sociétés, présidant notamment le cercle de l’Athénée méridional souvent mêlé aux luttes du parti républicain.
À la fin de l’année 1871, il était pressenti par l’Union républicaine marseillaise pour être candidat aux prochaines législatives partielles visant à pourvoir les sièges vacants depuis les élections de février, du fait des candidatures multiples ou de démissions. Il refusa, laissant en lice deux candidats qui seront élus en janvier 1872 : Bouchet, une personnalité locale, et Challemel-Lacour, nouveau venu à Marseille mais pas sur la scène politique nationale. Professeur de philosophie, ancien proscrit de 1851, Paul Challemel-Lacour avait été nommé préfet du Rhône en septembre 1870 au lendemain de la proclamation de la République mais son mandat préfectoral fut bref et mouvementé. Davantage apprécié à Marseille, il fut député avant de devenir sénateur des Bouches-du-Rhône en 1876 et de poursuivre ensuite une carrière politique au sommet de l’État.
Après plusieurs années au service des Chemins de fer du Midi, Cartoux fut, lui, nommé directeur de l’asile d’aliénés à Saint-Pierre au début des années 1880 [6], poste qu’il occupa durant une dizaine d’années jusqu’au moment de sa mort survenue à l’âge de 57 ans le 20 mai 1886 en son domicile au quartier Saint-Pierre. Il était célibataire ; sa mère âgée de 85 ans lui survécut.
La presse locale qui lui rendit hommage en saluant la disparition d’un des plus fermes défenseurs de la démocratie marseillaise évoque à peine sa période communarde, si ce n’est pour rappeler, dans Le Petit Provençal, que poursuivi lors du mouvement de 1871, une ordonnance de non-lieu lui rendit sa liberté [7]. Le Petit Marseillais s’appliqua, lui, à signaler les nombreuses personnalités politiques qui accompagnèrent ses funérailles civiles au cimetière Saint-Pierre : Allard le maire de Marseille en exercice et Brochier, ancien maire, étaient présents, de même que le Préfet, plusieurs conseillers municipaux et conseillers généraux, ainsi que le député du département, Clovis Hugues qui fit un discours attendu sur l’union du parti républicain. Manquait pourtant, nota le journaliste, le sénateur des Bouches-du-Rhône, Challemel-Lacour, retenu par des problèmes de santé. En revanche, cet article, pas plus que celui du Petit Provençal ou la nécrologie de Cartoux publiée dans La République du 22 mai 1886, ne font mention d’anciens communards à ses funérailles très républicaines, alors que l’amnistie totale des communards avait été prononcée depuis six ans !
[1] Le Peuple souverain, 24 octobre 1871.
[2] Le Sémaphore de Marseille, 9 octobre 1871.
[3] Le Sémaphore de Marseille, 19 octobre 1871. Lettre publié à l’identique dans Le Petit Marseillais, 20 octobre 1871.
[4] Le Sémaphore de Marseille, 5 novembre 1871
[5] Le Petit Marseillais, 12 novembre 1871.
[6] Il est évoqué à ce poste dans L’indicateur marseillais pour l’année 1880, p. 348.
[7] Le Petit Provençal, 21 mai 1886.