Marseille 1871 : une autre Commune
Marseille 1871 : une autre Commune
Le Monde illustré, 8 juillet 1871.
Carte postale ancienne

Marseille se souvient du communard Gaston Crémieux fusillé le 30 novembre 1871 au Pharo

Enfin une plaque officielle au Pharo près de l’endroit où il a été fusillé

Les Voix du peuple (1868). Impressions d’un condamné à mort (1871)

Plaque Gaston Crémieux inaugurée le 27 novembre 2021 au Pharo à Marseille.
Cliché M. Bitton, 30 novembre 2021.

Le 27 novembre 2021, quelques jours avant le 150e anniversaire de l’exécution de Gaston Crémieux, le maire de Marseille, Benoît Payan, dévoilait cette plaque qui était la première plaque officielle à la mémoire de Crémieux au Pharo. Il l’inaugurait en présence de représentants de la section marseillaise de l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871 et de Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice et candidate pressentie pour les prochaines élections présidentielles de 2022, spécialement invitée pour cette cérémonie.
Au moment de cette inauguration se tenait aussi à Marseille, dans l’auditorium de la Mairie des 1e et 7e arrondissement, un colloque sur la révolution du 4 septembre 1870 et les Communes de 1871 [1] auquel j’assistais comme nombre d’autres personnes qui auraient aimé participer à l’inauguration de la plaque à la mémoire de Gaston Crémieux initialement prévue le dimanche 28 novembre 2021. Mais le maire en décida autrement ; il avança cette inauguration sans doute pour la faire en présence de Christiane Taubira venue prendre la température politique de la mairie de Marseille avant les élections présidentielles. Ce n’est donc que trois jours plus tard, jour effectif de l’anniversaire de la mort de G. Crémieux que j’allais photographier cette nouvelle plaque au Pharo et relever ses inscriptions.

Ces inscription gravées à l’initiative d’une municipalité plus à gauche que celle qui régnait à Marseille depuis vingt-cinq ans, rappellent notamment que Crémieux fut « condamné à mort lors de la répression versaillaise » mais n’incriminent personne nommément.
Une plaque non officielle posée il y a quelques années pratiquement au même endroit, sur le grillage, mais arrachée (par qui ? nul ne le sait) dénonçait expressément Adolphe Thiers qui, rappelons-le, était chef de l’exécutif du gouvernement de la République française à l’époque où Crémieux fut fusillé.

Plaque éphémère au Pharo en 2013

© Cliché M. Kadouch, 13 novembre 2013, reproduit avec son aimable autorisation.

Ici fut exécuté / le 30 novembre 1871 / Gaston Crémieux
Cet avocat humaniste et libre penseur / qui a été à la tête de l’insurrection 
marseillaise de 1871 / fut victime de / la vindicte anti-communarde 
d’Adolphe Thiers

Sur l’image de cette plaque on distingue, à gauche des inscriptions, le logo de l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871.

 Cette plaque, aujourd’hui disparue, a été apposée et arrachée en 2013, alors que Marseille était sous le mandat de Jean-Claude Gaudin figure de la droite catholique qui fut maire de cette ville de 1995 à 2020. Durant ses vingt cinq années de règne, des élus de l’opposition appuyés par différentes associations, avaient vainement tenté de faire apposer une plaque pérenne à la mémoire de Crémieux au Pharo. En 2013, Marie-France Palloix, conseillère municipale communiste aux 6e et 8e arrondissements de Marseille, déclarait à La Marseillaise : « Une première plaque posée au Pharo il y a dix ans puis une autre il y a deux ans ont été chaque fois arrachées. Depuis 2006, j’ai écrit une dizaine de courriers à Jean-Claude Gaudin. Après un accord de principe pour rendre hommage à Gaston Crémieux, là où ses bourreaux l’ont tué, il ne me répond même plus. [2] »

 Lorsque le nouveau maire de Marseille Benoît Payan inaugura la plaque du Pharo, il ne prononça pas le nom de Thiers dans son allocution. Il évoqua des « revanchards versaillais », mais souligna surtout l’importance du rassemblement et de l’union prônés par Gaston Crémieux. Au-delà des liens de ce discours avec des élections passées et à venir, il nous paraît important de le citer intégralement car il a marqué un tournant dans la reconnaissance de Gaston Crémieux et de la Commune de 1871 par les autorités municipales marseillaises. Son discours propose pour la première fois une version municipale relativement fière des mouvements communalistes marseillais de 1870 et 1871 ; évitant des images sanglantes, c’est une version apaisée de cette expérience unique que fut la Commune dont la municipalité actuelle se réclame l’héritière.
Ce discours est reproduit ici tel qu’il a été mis en ligne par la Mairie de Marseille. Il est bien documenté sur les événements de l’époque ; je n’y ai noté qu’une seule erreur historique, lorsqu’il avance : « C’est ici, le 1er novembre 1870, que naquit la première Commune du mouvement des Communes présidée par Gaston Crémieux ». Il y eut effectivement la proclamation d’une Commune révolutionnaire à Marseille le 1er novembre 1870, mais elle était présidée par Adolphe Carcassonne et non par Gaston Crémieux, qui fut à la tête d’une autre Commune marseillaise éphémère le 8 août 1870. C’est probablement pour insister sur la personnalité révolutionnaire de Gaston Crémieux que ce discours municipal bienveillant lui impute aussi, mais à tort, la proclamation de la Commune du 1er novembre 1871.

[1Les actes de ce colloque « De la révolution du 4 septembre 1870 aux Communes insurrectionnelles de 1871. La lutte pour la République, mais laquelle ? » devraient être publiés bientôt.

[2Cité par Léo Purguette, « Marseille : Hommage rendu à Gaston Crémieux », in La Marseillaise, 4 décembre 2013.

Mise à jour :mercredi 30 avril 2025
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