Marseille 1871 : une autre Commune
Marseille 1871 : une autre Commune
Le Monde illustré, 8 juillet 1871.
Carte postale ancienne

Marseille se souvient du communard Gaston Crémieux fusillé le 30 novembre 1871 au Pharo

Gaston Crémieux (1836-1871)

Les Voix du peuple (1868). Impressions d’un condamné à mort (1871)

Gaston Crémieux est né le 22 juin 1836 à Nîmes (Gard) dans une famille modeste ; à sa naissance son père Abraham est déclaré marchand, sa mère Rachel Vidal, sans profession. Issu de l’ancienne communauté des « juifs du pape [1] » installés depuis le XVIe siècle sur des terres pontificales rattachées à la France après la Révolution de 1789, il a de profondes racines et une large parentèle provençales. 
Avocat, poète et journaliste, il s’installe à Marseille en 1862. Il se marie en 1864 avec une jeune marseillaise, Noémie Molina, également israélite et fille de marchand (son père tient un magasin de confection 4, rue de Rome). Ils auront quatre enfants dont un mort en bas âge.
Engagé dans la franc-maçonnerie et dans la vie sociale et politique locale, G. Crémieux œuvre en faveur des ouvriers, participe à la création de la Ligue de l’enseignement et s’impose comme une figure importante de la démocratie marseillaise. À la tête d’une première Commune le 8 août 1870, il est arrêté et incarcéré avec d’autres manifestants qui ont occupé l’Hôtel de Ville de Marseille durant quelques heures. Libéré avec eux à la proclamation de la République le 4 septembre, il poursuit ses engagements républicains jusqu’à la Commune marseillaise de 1871 dont il est le chef de file. Arrêté le 8 avril, il est jugé du 12 au 28 juin 1871 par le conseil de guerre siégeant à Marseille lors d’un procès collectif de dix-sept communards dont il est le principal accusé. Le 28 juin 1871 il est condamné à peine de mort avec Auguste Étienne et Alphonse Pélissier ; les deux derniers seront graciés et leurs peines commuées en déportation. Crémieux, lui, était exécuté le 30 novembre 1871 à sept heures du matin sur le champ de manœuvres militaire du Pharo.
Le rabbin Vidal qui l’avait assisté à ses dernières heures se chargea de la levée du corps tandis que quelques amis et parents l’attendaient à l’extérieur du champ de manœuvres pour l’accompagner au cimetière. « À sept heures et quart le corbillard se rendait au grand trot au cimetière des juifs escorté par la gendarmerie et les chasseurs à cheval, traversant le boulevard de la Corderie, la rue de Rome, le boulevard Baille et le chemin de Saint-Pierre. [2] »
Il n’existait alors qu’un seul cimetière juif à Marseille : le cimetière israélite La Timone-Saint-Pierre ouvert en 1855 en continuité du grand cimetière Saint-Pierre. L’inhumation de Gaston Crémieux fut discrète ; le public et les journalistes furent probablement interdits d’y assister car nul n’en fit un récit connu.

Un an après sa disparition, les Républicains marseillais érigeaient un monument funéraire sur son tombeau et la presse en fit part. Ce premier lieu de mémoire toujours en place a été augmenté depuis d’une sculpture et d’une plaque commémorative.

[1Voir notamment René Moulinas, Les Juifs du pape en France. Les communautés d’Avignon et du Comtat Venaissin aux XVIIe et XVIIIe siècles, Toulouse, éd. Privat, 1981.

[2L’Égalité, 1er décembre 1871, p. 1.

Mise à jour :mercredi 30 avril 2025
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