Marseille 1871 : une autre Commune
Marseille 1871 : une autre Commune
Le Monde illustré, 8 juillet 1871.
Carte postale ancienne

Gaston Crémieux - Textes choisis

Impressions d’un condamné à mort

Les Voix du peuple (1868). Impressions d’un condamné à mort (1871)

« L’homme est un apprenti ; la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît avant d’avoir souffert.
A. de Musset (Les Nuits)
Les vaincus n’ont pas d’histoire.
Marc-Duffraisse »
 [1]

28 juin 1871.

Ce matin, nous n’avons fait à l’audience qu’une courte apparition. À peine étions-nous assis, le président nous a répété automatiquement la question qu’il nous avait adressée la veille ; il nous a demandé si nous n’avions rien à ajouter à notre défense. Il s’agissait pour lui de couvrir une nullité de forme. Nous nous sommes bien gardés de répondre, le laissant libre d’interpréter notre silence à sa guise. La clôture des débats a donc été prononcée en réalité pour la seconde fois.
Alors de Pleuc, avocat de Ducoin, s’est levé et il a déposé, au nom de M. Rouvière, défenseur de Bouchet, des conclusions qui avaient été déjà lues à une précédente audience.
La maladresse était commise, avant que nous eussions pu l’empêcher.
Le conseil est entré dans la salle des délibérations, et nous avons été reconduits dans notre prison.
Bientôt après, on nous avertit que nous allons être transférés au fort Saint-Nicolas ; nous faisons nos préparatifs en toute hâte ; Bouchet, Ducoin, Breton, dans la certitude de leur acquittement, renvoient à leurs familles des paquets de linge et de vêtements et ne gardent que le nécessaire.
Nous voici rangés sur deux lignes dans le vestibule du palais de justice qui donne sur la rue Fortia. Les gendarmes nous mettent les menottes ; on attache ma main droite à la gauche d’Étienne ; mais la chaîne ne nous serre pas.
Nous prenons place avec Pélissier et Ducoin, Duclos, Novi, Nastorg et Bouchet, dans un des omnibus réquisitionnés au grand Hôtel du Louvre et de la Paix, qui a déjà servi à notre transfert du fort Saint-Nicolas au palais de justice. Deux compagnies de chasseurs nous accompagnent.
Il est neuf heures ; la matinée est splendide. Dans la rue Fortia et dans la rue Grignan, au seuil des portes et des magasins, aux fenêtres des maisons, nous apercevons des visages attristés où la sympathie a plus de place que la curiosité banale. Quelques femmes pleurent sur notre passage ; ceux qui nous connaissent nous désignent et semblent prononcer notre nom. Des enfants courent insouciants, en tête de notre cortège. Je pense à mes trois êtres chéris, à ma jeune femme, et des larmes coulent de mes yeux. Un prêtre, dit-on, nous suit. A notre droite marche un jeune lieutenant, blond, svelte, plus ennuyé qu’impressionné ; son attitude est digne.
Nous approchons du boulevard de la Corderie. Je lis nonchalamment une enseigne inachevée, aux lettres noires, sur une muraille blanche : Fonderie de la Corderie. Puisse-t-elle prospérer ! A ce moment, la brise marine dilate et rafraîchit nos poumons.
Voilà six jours que nous n’avons respiré l’air libre, et cette vague senteur caresse notre imagination et nos sens alourdis. Au large, le château d’If où tant d’autres gémissent. Plus loin, l’espace immense, l’horizon bleu.
Encore quelques instants, et cette vision de la liberté aura disparu, et je ne verrai plus que la voûte humide et sombre de notre casemate.
Duclos remarque que le mur d’enceinte du fort n’est élevé que de quatre mètres tout au plus au-dessus du roc taillé en plate-forme près de la caserne Saint-Victor, et que cette plate-forme n’est pas gardée.
Les voitures gravissent paisiblement le chemin escarpé qui ceinture le glacis du donjon du côté d’Endoume et des Catalans. Le pont-levis est abaissé, et pour la troisième fois le fort Saint-Nicolas nous ressaisit.
Étienne rajuste en toute hâte la chaîne des menottes que chemin faisant, nous avions sans plus de façon mise dans nos poches, sous le regard bienveillant du brave brigadier qui, pendant tout le cours du procès, m’a constamment taillé mon crayon avec une patience infatigable. Cet homme nous plaint ; il ne peut s’habituer à nous considérer comme des malfaiteurs ; il comprend que ma main fait trop d’honneur à ses menottes. Que ne nous épargnerait-il pas, s’il était le maître !
Brigadier, vous avez raison.
On nous conduit enfin dans la demi-lune où l’on descend par un étroit escalier qui relie le chemin de ronde au bastion qui domine la caserne Saint- Victor ; on ferme la porte sur nous.
On éprouve un saisissement douloureux à entrer dans un nouveau cachot, comme à quitter celui où l’on a vécu, ne fut-ce que quelques heures.
La merveilleuse élasticité de la nature humaine réagit vivement contre cette première impression.
Bientôt on se secoue, on s’oriente, on se case à sa guise, au gré de ses habitudes et de ses sympathies, les uns cherchant l’ombre, d’autres la lumière ; puis, l’installation finie, on se remet au rêve, au sommeil, au travail interrompus ; on s’arrange le plus commodément possible pour vivre, en attendant ce qu’on espère ; comme un mendiant turc endormi qu’un passant a heurté du pied et qui, après avoir maudit le chien de chrétien et grommelé entre ses dents, reprend son somme.
Jetez un homme au fond d’un gouffre, ôtez-lui l’espoir d’en sortir ; encore tout meurtri de sa chute, il cherchera ses aises, un lit pour le repos de son corps et de ses pensées. Encore, pensera-t-il peu. En prison, la grande affaire est de savoir où et comment on dormira. C’est là surtout que le sommeil apporte l’oubli des maux. Neuf fois sur dix, on rêve qu’on est libre. Aussi chacun de nous se met à l’œuvre et en quelques minutes la prison se transforme ; chacun a déjà marqué sa place en l’occupant.
Notre cachot, appelé demi-lune, taillé dans le roc, ressemble, comme son nom l’indique, à un tunnel, haut de quatre mètres, de treize mètres de long sur six mètres de large. Il est faiblement éclairé par une fenêtre grillée, donnant sur l’escalier, et par deux lucarnes rondes percées dans la voûte donnant sur la terrasse, où elles sont recouvertes d’un chapiteau en bois noir : comme si l’on voulait que la lumière ne nous arrivât pas directement du ciel.
Nous sommes bien restés un quart d’heure avant d’y voir goutte. A droite, le long de la muraille, court un énorme lit de camp dont l’entablement est bâti dans le roc.
Les seize matelas [2], serrés les uns contre les autres, y sont à l’étroit. Mais on sait que le verdict en délibération éclaircira les rangs.
Hermet et Genetiaux seront certainement acquittés. Le commissaire du gouvernement a abandonné l’accusation à leur égard.
On croit à l’acquittement de Ducoin, de Sorbier, de Breton, sans aucun doute, et peut-être de Matheron.
Bouchet pourrait aussi ne pas être condamné ; il s’est défendu très habilement ; il a profité de tous les incidents d’audience.
En attendant, les conjectures vont leur train, et comme la casemate est vaste, on va et vient par groupes animés. Matheron, qui a dessiné mon portrait, réclame quelques vers pour le sien. On me prête un crayon et j’improvise sur le mur un acrostiche plusieurs fois interrompu : je me hâte de le terminer, sentant bien que ma liberté d’esprit serait de peu de durée, tout autant que la détention du dessinateur. Il faut en finir ! comme disent nos adversaires politiques. Les deux derniers vers arriveront péniblement. Enfin, grâce à la collaboration de Breton, l’acrostiche est terminé, et Matheron le recopie avec une satisfaction visible.
Le voici :
Matheron, commandant de la garde civique,
A la garde civique a dû tous ses malheurs ;
Tout ce que sa nature avait de pacifique,
Humeur fraîche, cœur d’or, crayon philosophique,
Est voilé par ce spectre aux sinistres couleurs.
Rivé par l’injustice à cette ombre baroque,
On voit que notre ami, pour finir ses douleurs,
N’avait que son crayon, et d’un trait il la croque.

Pendant que nous rimons, le conseil de guerre délibère en déjeunant et distribue nos condamnations sans perdre une bouchée.
Midi sonne, - notre dîner n’arrive pas, - nous avons faim. - Nos familles sont-elles averties de notre transfèrement ?
Singulière journée toute pleine de surprises et d’inquiétudes, de tristesse et de joie immodérée ! — On passe sans transition de l’abattement à une gaieté folle. J’observe un instant mes compagnons. Pélissier dort ; il a élevé le sommeil à la hauteur d’une institution et prétend avoir trouvé le moyen de dormir à volonté. Étienne fume à côté de Breton, qui fume aussi de l’air d’un homme certain de coucher dans son lit. Il trouve tout au plus la délibération du conseil un peu longue ; mais il consent à prendre patience.
Ducoin, Éberard se promènent à grands pas. Ils sont anxieux, mais ils espèrent.
Bouchet et Matheron sont d’une gaieté folle. Ce qui est très rare chez Bouchet est très commun chez Matheron. Matheron rit par caractère, par tempérament ; nature franche, âme d’artiste ; sa joie déride les fronts les plus soucieux. Il ignore ce qui sera décidé de lui sans pouvoir se résoudre à s’en inquiéter. Le rire de Bouchet est forcé ; il ne sait pas rire, sa joie éclate triomphante, mais il essaye de la contenir.
Duclos, Chachuat, Novi discutent très haut sans pouvoir ni vouloir se comprendre : ce qui les amène à se fâcher souvent.
Sorbier dévore ou plutôt dépouille les journaux et se livre par moments à des commentaires enthousiastes. Il croit à son acquittement ; mais comme il a déjà recueilli une condamnation pour délit de presse à deux ans de prison, cet espoir serait-il une certitude qu’il ne changerait en rien son humeur.
Enfin, on nous annonce l’heure de la promenade et du dîner. On nous conduit sur le chemin de ronde et nous mangeons par groupes, sous un soleil caniculaire, entre deux haies de chasseurs, la baïonnette au fusil. Nous nous plaignons de cette récréation transformée en torture ; mais nos surveillants n’y peuvent rien.
Quand nous pouvons à la dérobée nous tenir debout sur les assises du glacis, nous jetons un regard sur la colline et l’église de Notre-Dame de la Garde, sur la colline Bonaparte, sur un coin de ce Marseille que nous aimons tant, où nous avons vécu au milieu des nôtres, heureux, considérés, actifs, dévoués à notre cause. — Hélas ! dans quel abîme allons-nous être précipités !
Est-ce par notre faute ?
Montaigne dit : Que sais-je ?
Et je me souviens d’un vieux vers latin qu’un poète du XIIIe siècle ne croyait pas avoir écrit pour nous : Felix quem facient aliena pericula cautum. [Heureux celui que les épreuves d’autrui ont rendu sage].
Mais est-il digne de mettre à profit les périls des autres pour devenir habile ?
Laurier dit : Oui ; Je dis : Non !
Ainsi ont passé, ainsi ont agi les Delpech, les Rouvier, et leur maître à tous : Laurier le pleutre.
Piètres personnages dont le temps est venu !
Voilà déjà plusieurs heures que nous rôdons dans notre casemate ; on a chanté, on a soupé, on s’est égayé à froid ; on a discuté sur les chances du jugement.
Depuis la veille, je me suis imaginé que le conseil de guerre pencherait pour l’indulgence et que je serai condamné à... cinq ans de détention, et cela m’effraye !
Tout à coup, la porte s’ouvre, un bruit de pas remplit l’escalier, on apporte une table, deux chaises, une bougie dans un chandelier plaqué en argent : le tout pour le prononcé de notre sentence.
Cette faible lumière dans notre prison sombre produit un effet lugubre.
Le commissaire du gouvernement entre et reste près de la porte. M. Peloux, le greffier, se place devant la table ; nous nous rangeons tout autour, en deux cercles.
Je me trouve placé en face du greffier, en pleine lumière. D’une voix rendue assurée, il lit :
« Crémieux, reconnu coupable... d’embauchage (je comprends le reste), condamné à mort… »
Un trait rapide me traverse le cœur, mais j’attache, sans parler, ni trembler, un regard dédaigneux sur le commissaire du gouvernement, qui tient ses yeux baissés ; je n’éprouve ni douleur, ni crainte. Il me semble qu’on vient de me lancer une insulte ; si j’ai fait un geste, j’ai dû hausser les épaules ; je plains mes juges.
Pélissier a continué de rouler sa cigarette ; Étienne, la main appuyée contre le mur, n’a pas bougé.
Breton, qui attendait sa mise en liberté, s’entend condamner à la déportation ; il paraît avoir reçu un grand coup.
Quelques-uns font éclater leurs plaintes.

……………………………………….. [3]

Sorbier, hors de lui, mais acquitté, lâche cette parole furieuse : « Comment ! ils ont condamné Breton ? Nous sommes tous coupables, excepté lui ! Qu’on nous fusille tous, mais qu’on acquitte Breton ! »
Je m’assieds et je prie mes amis de se calmer. Il est convenu avec M. Peloux que l’on viendra le lendemain recevoir notre pourvoi en révision.
Bouchet, Ducoin, Hermet, Genétiaux, Matheron, acquittés, nous embrassent à la hâte ; leurs familles les attendent, ils retournent dans la vie, ils seront heureux.
Ducoin, Matheron, Hermet pleurent en nous quittant.
La porte se referme, le verrou est tiré.
Un grand silence règne dans la casemate ; chacun se retire à l’écart ; je me couche ; je pense à ma femme, à mes enfants, à tous ceux que j’aime et qui, comme moi, ont la mort dans l’âme. Je pleure silencieusement.
Nuit douloureuse entre toutes, nuit de fièvre, d’angoisses mortelles !
Ô mon Dieu, épargne à mes plus cruels ennemis de pareilles tortures !
Pendant cette nuit-là, toute mon existence a passé comme un rêve dans mon esprit tourmenté. Et à chaque instant, comme s’il se déroulait en moi la chaîne de ma vie, une figure angélique apparaissait et disparaissait tour à tour. Des paroles d’amour, de consolation, d’espérance retentissaient à mon oreille :






—  Ne crains rien, je suis là, je veille. Ne suis-je pas ton ange gardien ?
J’ai mis la main sur mon cœur tout rempli d’elle, j’ai répété mille fois son nom, et bercé par cette douce image, vers le matin j’ai dormi.

29 juin.

Nous signons notre pourvoi en révision, nous déjeunons paisiblement en attendant l’heure des visites. En ce moment le fort Saint-Nicolas regorge de détenus politiques ; il n’y a qu’un parloir et deux jours de visite par semaine ; l’entretien de famille sera bien raccourci ; il durera quelques minutes à peine. Dure nécessité ! le temps est long, déjà quelques-uns d’entre nous ont été appelés ; enfin, mon tour arrive ; je hâte le pas, entre les quatre chasseurs qui m’accompagnent. J’entre enfin dans le parloir.
C’est ma Noémi que j’aperçois la première ! Elle se lève ; nous nous regardons un instant avant de nous rapprocher ; nous nous sommes compris. — Du courage ! Ne livrons pas notre douleur en spectacle ! Un ardent baiser a tout dit.
Mon père, maman, mes beaux-frères me font part des marques de sympathie dont je suis l’objet et que ma condamnation a éveillées dans toutes les classes de la population marseillaise. On ne croit pas à l’exécution ; on sait notre énergie, on partage notre douleur.
Noémi va partir pour Paris ; elle a déjà reçu un télégramme d’Adolphe Crémieux qui l’attend et qui espère me délivrer. Nous nous sommes à peine vus ; on nous sépare : des temps meilleurs viendront. À bientôt, ma toute dévouée. Que Dieu t’accompagne ! Dimanche on m’amènera mes trois jeunes enfants.

………………………………………..

Dimanche, 2 juillet.

Aujourd’hui encore, nous recevons des visites. Les échos de la ville émue arrivent jusqu’à nous. On s’indigne des condamnations prononcées ; on ne croit pas à l’exécution. Pour nous, nous sommes convaincus que ceux qui ont eu le courage sans épithète de nous condamner de cette sorte, nous feront exécuter, s’ils le peuvent ; mais le pourront-ils ? Condamnés et juges sont pesés dans la même balance ; de quel côté penchera-t-elle ?
Noémi est arrivée à Paris, M. Adolphe Crémieux l’attendait à la gare. Elle est à Paris depuis cinq jours. Quel cœur ! Il l’a reçue paternellement, l’a consolée, lui a promis de la diriger dans ses démarches, de ne pas l’abandonner, enfin de me sauver.
Mais il me garde rancune, et, en attendant qu’il connaisse ma conduite, il ne veut pas me pardonner, dit-il. Nous verrons bien !
J’ai écrit à Me Albert Aicard [4] une lettre où j’ai laissé déborder toutes mes douloureuses impressions et ma gratitude envers lui.
Au fond, je m’en veux de rendre malheureux un de mes confrères qui vivait si heureux, si tranquille, en père de famille, à l’abri des soucis et des préoccupations politiques.
Nous l’avons entraîné dans cette sphère ardente où nous vivons depuis deux ans.
Puisse-t-il en sortir le plus vite possible et retrouver le calme et le repos d’esprit que nous lui avons enlevés !
Mauvaise nouvelle ! On a fait la nuit dernière soixante arrestations à la Belle de Mai. Le fort Saint-Nicolas regorge de détenus, les surveillants sont sur les dents. Ils se plaignent beaucoup plus haut que les prisonniers.
Voyons, monsieur Espivent [5], un bon mouvement. Par pitié pour les geôliers, cessez d’emprisonner les républicains !
Grande nouvelle, grande joie sur toute la surface de la France ! Les légitimistes sont battus : sur 114, 93 républicains sont élus ; l’horizon s’éclaircit.
Nous soupons en famille, tous ensemble ; nous chantons, nous lisons tout haut le discours de Gambetta aux paysans. Voilà enfin une soirée joyeuse, après tant de tristes journées.
Sorbier nous quitte, on le transfère à la prison civile de Saint-Pierre. J’ai écrit à Noémi de faire pour moi la même demande. Réussirons-nous ? Nous quitterions cette casemate humide où nous sommes condamnés à perdre la vue et à gagner des rhumatismes, comme le pauvre Gustave Naquet [6]. Reverrons-nous Sorbier ? Nous nous embrassons et nous pleurons ; séparation cruelle pour des hommes habitués à vivre ensemble, à se consoler mutuellement ! La communauté devient si étroite, qu’un départ semble un déchirement d’entrailles.
Noémi à Paris fait des merveilles. Elle émeut profondément tous ceux auprès de qui elle intercède. — Que de courage il lui faut pour lutter contre tant de préventions et de passions déchaînées contre nous, considérés comme des hommes sanguinaires, des scélérats dignes de tous les supplices ! Tout d’abord mal reçue, elle parvient à force d’éloquence, à faire passer chez d’autres la conviction qui l’anime. M. Crémieux m’écrit qu’elle est admirable. Quelle puissance contient le cœur de la femme qui aime ! Elle sait ce qu’elle veut, elle le veut violemment, éperdument, passionnément ; rien ne la détourne du but ; il faut qu’elle sauve son mari. Elle le sauvera.
Le vendredi 7 juillet, à trois heures du matin, juste trois mois, heure par heure, après mon arrestation , comme nous dormions profondément dans notre demi-lune, qui n’était pas précisément une demi-lune de miel, on vint nous avertir, sans préambule, que les condamnés allaient être conduits à la prison de Saint-Pierre.
Voilà toute la casemate en émoi.
Nous avions d’ailleurs un quart d’heure pour nous lever, nous habiller et nous préparer. Je fus saisi d’un accès de bile qui dura au moins dix-huit minutes ; j’étais dans la voiture cellulaire que je continuais à expectorer.
Que voilà bien le régime militaire ! Ses faveurs, quand il nous en gratifie par hasard, vous tombent sur la tête comme des bombes. Le militaire ne vous crie jamais gare. Il vous envoie de même façon ses aménités et sa mitraille.
On aurait pu nous avertir dès la veille que nous serions transportés dans une prison moins humide ; nous nous serions préparés à l’aise et nous aurions dormi d’un sommeil aisé.
Pas du tout, on nous bombarde rudement d’un adoucissement de peine comme si l’on venait ex abrupto nous passer par les armes.
En trois temps et un mouvement !
Attention ! Joue ! Feu ! On vous pardonne.
Tous ces gens-là ont conservé, je ne sais comment, un cœur fossile qui palpite de temps en temps sous une couche alluvionnaire de discipline, de commandement et de brusquerie. En résumé, ils sont plus naïfs que méchants.
Il y eut, à cette nouvelle, parmi nos camarades et nous, un mouvement de surprise douloureuse.
Nous étions comme ces corps dont on arrache les membres un à un.
Tous se levèrent sur leur séant et nous regardions faire nos apprêts de voyage, comme si nous partions pour les antipodes et qu’ils ne dussent plus nous revoir.
A part les différences d’opinion réduites à de pures nuances, et celles de tempérament et d’éducation, la plus étroite fraternité n’avait pas cessé de dominer parmi nous, et la nombreuse compagnie nous préservait de tout ennui ; mais peu à peu les rangs s’éclaircissaient, et ceux qui demeuraient dans cette triste cave sentaient pénétrer en eux le froid de l’obscurité et de la solitude.
D’abord l’acquittement avait ouvert la porte à Bouchet, à Matheron, à Duclos ; les deux derniers m’étaient très sympathiques ; Hermet, qui m’était très dévoué, Genétiaux, étaient partis avec eux. Ce fut bien pire au départ de Sorbier, que nous ne pensions plus revoir, et pourtant nous le retrouvons à Saint-Pierre. Plusieurs d’entre nous pleuraient en l’embrassant ; il était excellent camarade, gai causeur, esprit subtil, enclin à l’enthousiasme, surtout homme bien élevé et de bonne compagnie ; ce qui ne gâte rien, surtout en prison, où les natures violentes, surexcitées par le chagrin, tournent à la fureur ou à l’hypocondrie.
Enfin, nous partions à notre tour, et nous sentions bien que la douleur que nous éprouvions était partagée par nos camarades. Ainsi notre chambrée était coupée en deux : une partie s’en allait à Saint-Pierre attendre ! Quoi ? On ne le sait que trop et pourtant on en doutera jusqu’à la dernière heure. L’autre retournera peut-être au château d’If, puisqu’il est dit qu’une prison, si remplie qu’elle soit, doit toujours finir par se vider. — Nous reverrons-nous jamais et surtout libres ?
On se quitte, attristés, comme si l’on ne devait jamais plus se revoir.
Breton paraît consterné et fait semblant de se rendormir, il a peut-être peur de sa faiblesse, — esprit charmant qui vivait de causerie ! — Lui reste-t-il quelqu’un avec qui converser et philosopher pendant les longues heures de la nuit ? Il s’était établi entre nous une fraternité de poète à poète qui nous rendait moins pénible la monotonie de la prison. Je lui prenais le bras, lui fumant et rêvant, et je lui récitais des vers dont il savourait avec délice les moindres beautés et dont il critiquait galamment les passages médiocres.
Il se tourne, m’embrasse, et retombe sur son lit comme une masse inerte.
Nous avons su plus tard que Breton craignait dès lors d’être reconduit au château d’If et qu’il ressentait une profonde horreur pour cette abominable prison politique où les prisonniers étaient rongés par la vermine, couchés sur une paille ou plutôt sur du fumier, buvant de l’eau et respirant un air rare par une grille étroite ; on était quatre-vingts prisonniers dans une casemate qui pouvait à peine en contenir quarante.
Pauvre République ! Comme on abuse de ton nom pour martyriser tes enfants les plus dévoués !
Mais eux ne s’y trompent point ! Ils savent que les coups qu’ils reçoivent ne leur viennent pas de ta main.
Console-toi, ils t’aiment toujours dans leurs souffrances.
Cette fois on nous serre fortement les menottes, en nous rapprochant les deux mains l’une de l’autre. Au moindre mouvement, la chaîne de fer mord la chair.
On nous enferme dans la voiture cellulaire ; deux gendarmes et leurs carabines y montent avec nous ; l’un se place sur le siège près de la grille, l’autre près de la portière fermée. Cette voiture, espèce de maringote carrée, peut contenir tout au plus huit personnes.
Chemin faisant, le gendarme avec qui j’échange quelques paroles, m’apprend qu’il a été transporté dans cet étroit espace jusqu’à dix-huit détenus à la fois. Les malheureux sont alors entassés et s’assoient les uns sur les autres, par pile de trois hommes, le tout pour la plus grande gloire de la justice française !
La voiture avance avec une désolante lenteur, escortée par deux compagnies de soldats de ligne, en tout 250 hommes, six gendarmes et des menottes. On voit bien que nous sommes transférés par mesure de sûreté ! Et nous sommes bien en sûreté. Ce luxe de précautions est satisfaisant à une heure où l’on ne rencontre dans les rues de Marseille que des chats amoureux et des rats affairés.
Nous apercevons, par des regards obliques jetés par-dessus l’épaule du gendarme chargé de nous empêcher de voir et de respirer, les arbres du cours Bonaparte [7] plus tard les arbres de la rue de la Darse [8], plus tard enfin ceux du Prado que nous n’apercevons qu’un instant, au moment de nous engager dans le boulevard Bayle[Boulevard Baille aujourd’hui.]]. Nous avons dû passer, sans nous en apercevoir, sur la place de la Préfecture ! Que de souvenirs éveillés en nous !
Enfin, nous suivons le boulevard Sébastopol, où se trouve la place des exécutions [9] : nous voilà bien entre le passé et l’avenir !
Enfin, nous entrons à Saint-Pierre.
Après les formalités d’usage au greffe, on nous dépouille de nos bijoux, de notre argent, des vêtements enfermés dans nos valises ; mais cela se fait avec quelque pudeur ; puis on nous conduit chacun dans notre cellule. — Les cellules des condamnés à mort ! Ils m’envoient à une d’elles, où fut enfermé le fameux brigand Quaranta [10] ! J’ai failli plaider pour lui.
Encore une navrante impression ! La cellule !
Deux verrous, un en bas, l’autre en haut de la porte, une forte serrure au milieu, la ferment avec un grincement sinistre. Me voilà seul au petit jour !
J’examine mon logis ! Voûte et mur blanchis à la chaux avec une bande noire en bas. Un catafalque en pierre : 4 m 50 de haut, 3 mètres de large sur 4 mètres de long.
Au midi, la porte étroite munie d’un vasistas et d’un œil taillé dans le bois, sorte d’argus le plus souvent aveugle, mais qui soudain peut voir !
Le gardien passe dans le corridor, il s’arrête, on est regardé, surveillé.
C’est atroce et stupide !
À l’est, une petite table blanche fixée au mur, et à côté de la table, un petit banc également fixé dans le mur et au parquet.
De cette façon, l’administration est certaine que le mobilier ne s’envolera pas.
En face, un lit de camp fixé de la même manière, avec un vasistas qui communique avec la cellule du gardien, fermé d’ordinaire. En cas de maladie ou d’accident, on peut par là appeler du secours.
Sur le lit de camp étroit de 50 centimètres, taillé en pente, haut de 25 centimètres et de 15 à sa base, long de 2 mètres, une paillasse maigre sur un matelas efflanqué.
Deux draps étroits, une couverture de lit, si bien faits qu’ils vous débordent et au moindre mouvement glissent sur le parquet.
Ô République ! Par amour pour toi, nous tâcherons de nous y faire.
Ah ! Qui me rendra mon lit nuptial, large de six coudées, mon édredon, ma bouillotte d’hiver, mon sommier élastique et ma jeune femme souriante au réveil !
Et puis mes beaux enfants qui venaient le matin gambader entre nous !
Ne pensons plus à la joie du passé dont le souvenir m’ôte tout à coup mon courage.
Au nord, la fenêtre, d’un mètre carré, grillée, pourvue d’une croisée mobile, semblable à une soupape horizontale.
Au demeurant, le tout est propre, sinon luxueux ; mais le lit est habité.
Il faudra se livrer à une Saint-Barthélemy d’insectes anthropophages.
Je ne parle que pour mémoire de la table de nuit creusée dans le mur, de la bouche de chaleur pour l’hiver, placées à côté de la porte.
Telle est ma cellule, claire pourtant, aérée, haute de caveau, où rien ne traîne, où rien ne bouge, si ce n’est moi, qui vais et viens comme une bête fauve dans sa cage, afin de représenter la vie dans le temple de l’immobilité.
Fatigué de tourner dans un aussi étroit espace, pris de vertige, je me couche, et la tristesse, à défaut du sommeil, me gagne invinciblement.
Ô République ! Sois-moi témoin que j’ai lutté tant que j’ai pu !
La cellule pèse sur l’homme comme un manteau de plomb. II y perd à la longue jusqu’à la faculté de penser ; cette voûte arrondie, sans angles, où l’œil se repose mal, cette uniformité, cette nudité des murs alourdissent les sens et les plongent dans une torpeur atrophiante.
Il n’est pas bon que l’homme vive seul.
La cellule est la solitude compliquée d’une lugubre perspective. — Me fera-t-elle la confidence des soupirs, des gémissements, des sanglots qu’elle a entendus ? Et fera-t-elle à d’autres la confidence des miens ?
La serrure crie, les verrous grincent : je me dresse sur mon lit. C’est le directeur ! Possesseur de la tête à poire et du galbe harmonieux de Louis-Philippe, il me déclare, le brave homme ! Qu’il n’est pas républicain. Avait-il besoin de me le dire ? Je le vois, et je le sais bien, parbleu ! Et d’abord il ne serait pas en place.
Il m’annonce avec un accent montpelliérain assez prononcé que le règlement de la prison de Saint-Pierre n’a pas prévu notre cas, qu’il nous accordera pourtant trois heures de promenade, et en général tout ce qu’il ne pourra pas nous refuser. Total : 21 heures de cellule par jour. Je me récrie, je proteste, je fais valoir hautement mes droits et mes titres de condamné politique. — Le règlement est muet, le directeur est sourd.
Pendant notre promenade, nous décidons que nous adresserons au préfet des Bouches-du-Rhône, M. O. Salvetat, une réclamation collective, afin d’obtenir les immunités d’usage accordées aux détenus politiques
Notre requête, bientôt rédigée, est déjà en route.
Nous demandons le droit de recevoir les aliments préparés et apportés par nos familles, de voir nos parents dans le parloir libre et non dans le parloir grillé ;
De rester en promenade dans la cour qui nous est affectée, de six heures du matin à midi, et de deux heures à sept heures ;
De prendre nos repas en commun dans la cellule de l’un de nous ;
De recevoir des journaux politiques et notre correspondance, directement, hors de la voie du greffe d’où nos lettres nous parviennent décachetées et lues ;
Enfin, une fois par semaine au moins, ceux d’entre nous qui sont mariés désirent déjeuner au parloir avec leur femme.
Ces demandes sont accordées et nous commençons à voir se relâcher en notre faveur le régime dont nous avons ressenti la douloureuse atteinte.
Depuis lors, je me hâte de le dire, il semble qu’on s’est étudié à nous rendre l’existence de plus en plus supportable. Nous n’avons pas le droit de nous plaindre. — Au point de vue matériel, nous sommes aussi bien qu’on peut l’être dans une prison.
Nos gardiens sont pour nous des camarades qui connaissent notre loyauté et ne craignent point que nous abusions de la liberté et des commodités que nous avons prises peu à peu.
J’ai souffert, les premiers jours, de recevoir mon père, mes sœurs, et surtout ma mère, au parloir grillé. Ce dernier vestige de l’inquisition devrait bien disparaître.
Voir à quelques centimètres de soi, à travers les mailles d’une cage à poulet, un visage chéri et ne pouvoir l’embrasser, ne pouvoir serrer une main aimée, et être réduit à s’envoyer des baisers de la main et des lèvres, se parler, que dis-je ? Pleurer à distance, quelle servitude et quelle torture dont les juges ne se doutent point, ou du moins qu’ils n’ont pas endurées !
Ma pauvre mère a sur le visage une douleur mortelle. Elle ne gémit pas, elle ne pleure pas, ses larmes semblent figées intérieurement en elle ; derrière les yeux, on devine ce qu’elle souffre ; je souffre, moi, comme je n’ai jamais souffert. Ah ! Comme je voudrais la voir pleurer ! Les pleurs au moins la soulageraient.
Elle semble rêver. Son fils, son Gaston dont elle était si fière, si heureuse naguère, condamné à mort !
Il semble qu’elle est le jouet d’un affreux rêve, qu’à chaque instant elle se réveille et qu’on lui dit qu’elle a rêvé.
Ô ma mère, pourquoi ne peux-tu pas pleurer ?
Je m’enferme dans ma cellule, je me maudis mille fois, sans vouloir m’entendre ; je suis un malheureux de la rendre, elle, si malheureuse, d’empoisonner ses derniers jours, de désoler sa vieillesse, d’être l’enfant de son désespoir, au lieu d’être l’enfant de son orgueil.
Oui, je maudis tout ce que j’aime, je foule aux pieds mes convictions, je blasphème contre la République tant aimée, parce que ma mère souffre trop pour pouvoir pleurer.
Et toi qui fus mon autre mère, ô ma patrie ! pardonne-moi le cri de mes entrailles et rends-moi la force que j’ai perdue !
Ô mon Dieu, faites qu’aujourd’hui je ne sois pas privé de la vue de mes trois êtres les plus chéris avec ma mère et ma femme !
Ce serait trop de douleurs pour un seul jour ; j’y succomberais.
Juillet, août, septembre, octobre, novembre s’écoulent sans que notre situation matérielle se modifie ; à part quelques caprices administratifs de courte durée, notre existence prend un cours régulier et monotone. Ma Noémi est partie pour Paris, sur un télégramme de notre vénéré Adolphe Crémieux, sitôt après notre condamnation. Elle revient quinze jours après ; on lui a fait espérer une commutation de peine. Elle m’assure de la part de notre parent que je suis sauvé.
Le conseil de révision rejette notre pourvoi. Noémi reçoit une nouvelle dépêche pressante le 26 juillet. Elle repart ; son absence dure dix jours ; même retour joyeux, mêmes promesses consolantes venues de haut ; cette fois on s’intéresse à nous, on veut nous sauver.
Enfin, le 15 septembre, la cour de cassation rejette définitivement notre dernier recours : il ne nous reste plus que le pourvoi en grâce. — Noémi repart pour la troisième fois. La commission des grâces renvoie sa réunion de semaine en semaine. Septembre et octobre se succèdent sans résultat. Enfin demain, 16 novembre, la commission des grâces statuera sur notre sort.
Ainsi, depuis le 3 avril, à onze heures du soir, j’ai quitté ma Noémi, ma maison, ma famille, mon bien-être, tout ce que j’aimais et qui me faisait heureux ! Depuis six mois et douze jours, la plus douce des consolations m’a presque constamment manqué !
Ma Noémi, pour me sauver, s’est éloignée de moi, j’ai vécu presque seul au milieu des autres détenus ; que de regrets, si je dois mourir !...
Maintenant, je veux revenir vers ce passé terrible, irréparable, je veux jeter un regard en arrière sur cette série de faits si étrangement enchaînés entre eux et qui, du haut d’une popularité si laborieusement et si justement acquise, m’ont précipité sur les marches de l’échafaud.
Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je voulu faire ? Suis-je coupable envers mon pays ? Mon être tout entier crie : Non ; je suis innocent.
Pour l’honneur de ma mémoire, que nul peut-être ne songera à défendre après moi ; pour l’honneur de mon nom, que je laisse à mes enfants, pur et sans tache, je dois écrire ce que j’ai fait, ce que j’ai vu, ce que j’ai su… [11]

 

[1Les deux citations sont en exergue dans le texte original.

[2Ils n’étaient en effet que seize à avoir été ramenés en prison après l’audience du 28 juin. Le dix-septième inculpé, Alexandre Bauche, était à l’hôpital où il était soigné pour une blessure par balle.

[3Les deux citations sont en exergue dans le texte original.

[4L’avocat Albert Aicard (1846-1927), ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Marseille en 1865-1866, avait brillamment assuré la défense de Gaston Crémieux lors du procès du 12 au 28 juin 1871, sans toutefois parvenir à éviter qu’il soit condamné à la peine de mort.

[5Sur Espivent, le général qui écrasa la Commune de Marseille, voir plus haut dans Introduction aux Impressions d’un condamné à mort.

[6Sur Gustave Naquet voir voir plus haut dans Introduction aux Impressions d’un condamné à mort.

[7Cours Pierre-Puget aujourd’hui.

[8Rue Francis-Davso aujourd’hui.

[9C’est sur la place Sébastopol (qui existe toujours) qu’était dressée la guillotine pour les exécutions des condamnés à mort de droit commun ; ceux condamnés à mort par un conseil de guerre étaient fusillés.

[10Antonio Quaranta et ses complices, Felice Nardi et Giovanni Codda, furent guillotinés place Sébastopol à Marseille le 27 janvier 1868 après avoir été jugés en 1867 par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône à Aix-en-Provence pour vols qualifiés et assassinats (Affaire du gang des diligences).

[11 « Impressions d’un condamné à mort », dans les Œuvres posthumes de Gaston Crémieux, op. cit., pp. 21-44.

Mise à jour :mercredi 30 avril 2025
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