Joseph Narcisse
Lorsqu’il comparait le 23 mai 1871 à Marseille devant le 1er conseil de guerre de la 9e région militaire à Marseille pour abandon de poste en présence de rebelles armés, il est soldat de 2e classe au 16e régiment de ligne et il est décrit ainsi : taille 1 m 60, cheveux bruns, front découvert, yeux gris, nez moyen, bouche moyenne, menton moyen, visage ovale. Entré au service de l’armée le 31 août 1867 comme engagé volontaire, il était auparavant domicilié dans sa ville natale où il était pâtissier [2].
Le conseil de guerre devant lequel il comparaît est déjà présidé par Thomassin, lieutenant-colonel du 48e de ligne, et composé des juges De Baillon, chef de bataillon au 95e régiment de ligne ; Stoker, capitaine au 29e bataillon de chasseurs à pied ; Vialla, lieutenant au 95e de ligne ; Gustin, sous-lieutenant au 5e bataillon de chasseurs à pied ; Lesire, maréchal des logis au 4e régiment de chasseurs à cheval et Wacquez, capitaine au 7e bataillon de chasseurs à pied. Il a pour commissaire du gouvernement, Bernari, chef de bataillon en retraite, et son substitut, De Villeneuve, commandant du 6e bataillon de chasseurs à pied. Le greffier Peloux, officier d’administration, était le seul civil attaché à ce conseil de guerre.
Ayant déclaré Joseph
En prononçant cette sentence, les neuf militaires composant ce conseil de guerre – Thomasin, De Baillon, Stoker, Vialla, Gustin, Lesire, Wacquez, Bernari et De Villeneuve – furent, avant même la chute de la Commune de Paris, les premiers en France à demander la mort d’un soldat qui avait fraternisé avec des communards mais le dossier de procédure de son jugement ne lui donne pas la parole.
Son dossier de recours en grâce nous informe davantage sur les circonstances de sa « désertion » :
Le 16e régiment de ligne était campé au village de Saint-Loup, près de Marseille. Dans la nuit du 4 au 5 avril 1871, la compagnie à laquelle appartenait
Après sa condamnation à la peine de mort par le conseil de guerre à Marseille, puis le rejet de son pourvoi en révision et la confirmation de son jugement le 3 juin 1871 à Lyon, la commission des grâces parlementaire (qui ne sera instaurée qu’au mois de juillet), rejettera aussi son recours [4]. Au bout de cinq longs mois d’attente et d’espoir en prison, Joseph
Outre le greffier, deux des membres du conseil de guerre qui l’avaient condamné à mort, Vialla et Villeneuve, signèrent le procès-verbal de son exécution rédigé par le greffier Peloux dans un style administratif convenu pour masquer la brutalité de la mise à mort :
9e division militaire - 1er conseil de guerre
Procès verbal d’exécution à mort
L’an mil huit cent soixante et onze le 30 octobre à sept heures du matin, nous, Peloux Étienne, officier d’administration de première classe, greffier pris par le 1er conseil de guerre de la 9e division militaire séant à Marseille, en présence de M. Vialla, lieutenant du 95e régiment d’infanterie délégué à cet effet pour M. le président du conseil, en sa qualité de juge près le dit conseil.
Agissant en vertu des ordres de M. le général de division, commandant la 9e division militaire et l’état de siège en date du 29 courant et en exécution d’une décision spéciale de M. le garde des Sceaux du dix-neuf du dit mois d’octobre :
Sommes rendus au Pharo pour assister à l’exécution du jugement prononcé le vingt-trois mai mil huit cent soixante et onze et confirmé le trois juin dernier par lequel le 1er conseil de guerre a condamné à la peine de mort le nommé
Arrivé sur le lieu de l’exécution au lieu dit le Pharo et le condamné ayant été amené, les troupes ont aussitôt porté les armes et les tambours ont battu aux champs.
Le nommé
Le condamné
En foi de quoi, nous avons dressé le présent procès-verbal que nous avons signé à Marseille, les jour mois et an que dessus avec le juge délégué.
Le juge délégué : Signé Th. Vialla.
L’officier d’administration greffier : Signé Peloux
Le commissaire du gouvernement : Signé Villeneuve [5].
Le décès d’
Le lendemain de son exécution, Le Petit Marseillais fut le journal local qui s’y attarda le plus. Reconnaissant s’être fortement inspiré de la Gazette du Midi (journal catholique), Le Petit Marseillais insista sur la présence de l’aumônier des prisons durant les dernières heures d’
Exécution du soldat estragnat au pharo
Hier matin à 7 heures, le soldat
Dès avant hier, l’autorité militaire était avertie que la justice devait suivre son cours à l’égard de ce malheureux, et des ordres étaient donnés en conséquence, mais avec une discrétion telle que jusqu’au dernier moment la population a ignoré l’exécution.
Pendant la nuit, vers 4 heures du matin, l’agent principal et l’aumônier de la prison militaire ont pénétré dans la cellule du condamné, qui était alors profondément endormi. Il a été averti de la fatale décision qui le concernait, et il a appris cette nouvelle avec une fermeté de caractère, qui a surpris les gardiens eux-mêmes.
À partir de ce moment, dit la Gazette du Midi, M. l’abbé Coussinier, le digne aumônier, ne quitta plus
Quelques instants après, le piquet d’escorte composé de 50 hommes étant arrivé,
Dès que l’escorte eut pénétré dans l’immense carré formé par les troupes de la garnison, les tambours, les clairons et les trompettes des divers régiments battirent et sonnèrent aux champs.
Un instant après, sur un signal d’un adjudant, un feu de peloton se fit entendre, et le malheureux
Toutes les troupes se formèrent ensuite en colonne et défilèrent devant le cadavre du condamné.
La foule était peu nombreuse, les mesures les plus sévères avaient été prises pour le maintien de l’ordre [7].
Un mois exactement après
Il avait été condamné à mort le 28 juin 1871 par le premier conseil de guerre à Marseille en même temps que deux autres protagonistes de la Commune de Marseille, Auguste Étienne (père) et Alphonse Pélissier, qui tous deux seront graciés et verront leur peine commuée en déportation en enceinte fortifiée. Gaston Crémieux ne fut pas gracié et il fut le troisième condamné à mort fusillé à Marseille après la Commune, et le sixième en France.
Son exécution avait été précédée par celles de trois participants à la Commune de Paris, Pierre Bourgeois, Théophile Ferré, et Louis Nathaniel Rossel, fusillés au camp de Satory à Versailles le 28 novembre 1871.
Pour le 150e anniversaire de la Commune, le maire de Marseille, Benoît Payan, inaugurait le 27 novembre 2021 la première plaque municipale à la mémoire de Gaston Crémieux au Pharo, près de l’endroit où il avait été fusillé. Les soldats
Les inscriptions figurant sur cette plaque :
« Ici fut exécuté le 30 novembre 1871 Gaston Crémieux avocat, journaliste, humaniste et libre penseur. Porté à la tête de la Commune de Marseille, il fut condamné à mort lors de la répression versaillaise. Face au peloton, il demanda à commander le feu et mourut en criant vive la République. »
[1] AD du Rhône, étatcivil en ligne, Tarare, naissances 1849, n° 147.
[2] AD des BdR 2 R 520, jugement n° 47.
[3] Archives nationales BB 24/725, dossier cité dans la notice «
[4] Louis-Joseph Martel et Félix Voisin, Rapport sur les travaux de la commission des grâces, op. cit., « État nominatif des condamnés à mort dont les recours en grâce on été rejetés », p. 17.
[5] AD des BdR 2 R 317.
[6] AD des BdR, état-civil en ligne, Marseille, décès 1871, n°
[7] Le Petit Marseillais, 31 octobre 1871.
[8] Le Petit Marseillais, 1er décembre 1871.